Pierre Sidon

Intervention au colloque « dépressions modernes », Université » Rennes II, 12 octobre 2023

La vidéo de la conférence :

Conférence de Pierre Sidon
Dépressions modernes

Story telling

L’antique mélancolie était réservée à quelques happy few, les génies disait-on. Fort heureusement, l’ère contemporaine en a permis la démocratisation grâce à l’évanouissement de la cause divine et l’infatigable recherche de remèdes… qui a mené parallèlement à la recherche de… maladies : c’est ce qu’on a appelé le disease mongering (le marketing des maladies) dans les années quatre-vingt-dix, conférant au symptôme dépressif le statut de Maladie et lui promettant bientôt le rang de « première cause de mortalité mondiale » par les diligentes autorités chargées de veiller sur notre santé. Le symptôme a été porté au sommet de la clinique par un engouement phénoménal pour ses remèdes, opportunément baptisés antidépresseurs. La soi-disant maladie a éclipsé les névroses et la paranoïa au profit desdits « troubles de l’humeur » plus accueillants pour la panacée.

Cette façon de dire les choses n’est pas fausse. Mais on peut aussi faire crédit. Crédit à quoi ? Aux psychiatres universitaires et à leur classification, le DSM ? Cela a toujours été difficile, sachant que la classification statistique n’était que le résultat d’une négociation entre experts, de nature politique. Cela est devenu encore plus difficile depuis que Tomas Insel, à l’époque encore directeur du NIMH en avait déclaré la fin après la sortie du DSM V [1]. Et même impossible depuis que les laboratoires de recherche en pharmaco-psychiatrie ont fermé : les investisseurs ont tranché : ils n’avaient plus l’espoir de trouver quelque remède valable sans risquer de trop nombreux procès. Mais on peut prendre le succès de la dépression comme celui, indéniable, du mot et supposer qu’il indexe un réel. 

Il y a des symptômes à la mode. Ce n’est pas élargir excessivement notre concept du symptôme que d’admettre et de conceptualiser le fait qu’il y a des symptômes à la mode. 

J.-A. Miller, dans La théorie du partenaire explique : « Nous critiquons le concept de dépression. Nous considérons qu’il est mal formulé, que c’est différent dans une structure et dans une autre. Commençons d’abord par ne pas avoir de mépris pour le signifiant de dépression. C’est un bon signifiant, parce qu’on s’en sert. C’est un signifiant relativement nouveau. Nous qui nous échinons à produire des signifiants nouveaux, à les espérer, chapeau bas devant un signifiant nouveau qui marche! C’est un signifiant formidable, la dépression. Sans doute est-il cliniquement ambigu. Mais nous avons peut-être mieux à faire que de jouer les médecins de Molière et de venir avec notre érudition, si justifiée soit-elle, critiquer un signifiant qui dit quelque chose à tout le monde aujourd’hui. Je ne le prends qu’à ce niveau-là. Je n’ai bien sûr rien à dire contre l’investigation clinique qui peut en être faite. Mais il n’est pas anodin qu’aujourd’hui cela dise quelque chose à tout le monde, que ce soit une bonne métaphore, et, à l’occasion, un point fixe, un point de capiton, qui ordonne la plainte d’un sujet. » [2]

Mais alors de quel réel s’agit-il si ce n’est pas une Maladie ? Car, répétons-le encore, aucun lien causal, ni même statistique n’a jamais pu être établi entre aucun biomarqueur et aucun symptôme psychique. Il n’y a jamais eu, notamment, qu’un lien marketing entre la sérotonine et le symptôme dépressif. Or c’est justement ce lien que Tomas Insel estimait nécessaire pour que la psychiatrie rejoigne la rigueur de la méthode anatomoclinique que Foucault décrivait dans sa Naissance de la clinique. Or Insel a assez vite jeté l’éponge et après quelques temps chez Alphabet (Google) a créé une start up pour développer une application : le psychiatre dans la poche. C’est une autre histoire mais disons que son abandon n’envoie pas un signal très prometteur pour les tenants de la causalité neurobiologique. Et il a d’ailleurs lui-même déclaré que ses recherches sur trente ans, financées par des millions de dollars n’avaient donné strictement aucun résultat et qu’il aurait mérité d’être viré. Il a joint le geste à la parole. 

De quel réel la dépression est-elle donc le nom – pour reprendre cette expression d’Alain Badiou, quelque peu douteuse, mais qui dit bien le tropisme des noms avec le réel ?

De quoi l’individu est-il le nom ?

Si l’on reprend l’histoire de ces tableaux cliniques dépeints par Foucault dans sa Naissance de la clinique, c’est surtout parce que les fantaisies s’étant évanouies, le regard décillé a pu, non pas « voir ce qu’il voyait » selon le trop fameux mot de Péguy, mais au contraire : ne plus voir ce qu’il voyait… Car on ne voit jamais qu’à-travers son fantasme : il n’y a pas de fait brut de la perception. Et c’est ainsi qu’on put relier les phénomènes cliniques relevés sur le corps vivant à l’anatomie des corps abandonnés par la vie : la fameuse méthode anatomoclinique. Mais la généralisation de la dissipation des fantaisies, c’est aussi la fin de l’enchantement du monde. Il conduit les sujets à se retrouver sans le secours d’aucun discours établi [3] comme l’affirme Lacan à propos de l’individu contemporain aussi bien que pour décrire la parole – le dit – du schizophrène. « Chaque individu est réellement [je souligne] un prolétaire », indique Lacan, c’est ce phénomène que la philosophie sociale de l’école de Francfort a pu décrire sous le nom de réification construit sur le concept d’aliénation particulièrement développé par Marx sous divers aspects. Derrière le concept de mépris, notamment promu par Axel Honnet, on peut aussi déceler ce que Lacan a souligné du rapport entre l’humain et l’humus. Peu de temps après avoir recommandé, en 1968, de ne pas quitter ce terme de « sujet » afin « d’en faire tourner l’usage », Lacan le quitte, lui-même, pour lui préférer celui d’individu [4] qui en est le contraire [5] : l’individu est solipsiste, là où le sujet est social. Il lui préférera ensuite celui de parlêtre qui indexe non plus le sujet de la parole mais le sujet de la jouissance, c’est-à-dire, l’individu doté d’un corps, comme tel affecté de phénomènes mystérieux : le « mystère du corps parlant » : c’est le renversement qu’a opéré Lacan, passant du corps comme parlé du début de son enseignement, au fait que « l’on parle avec son corps » [6].

Corps parlé et corps parlant, indiquent le rapport de l’être, en tant qu’il est défini par l’articulation langagière, avec le corps, que Lacan va soudain mettre à la place du grand Autre en 1967 [7]. Dès lors, le « on parle avec son corps » est équivoque : on parle à-partir de son corps, et avec son corps dans le sens d’un Autre avec lequel, en quelque sorte, on dialogue. Mais c’est un dialogue… de sourds car on ne peut s’entendre avec son corps d’où ne sourdent que le mystère des affects.

Mélancolisation

Comme l’explique J.-A. Miller : « La dépression elle-même fait couple. Elle est clairement sur le versant de la séparation. C’est une identification au petit comme déchet, comme reste. Ce sont les phénomènes temporels qui montrent bien la séparation d’avec la chaîne signifiante, et qui peuvent être accentués dans la dépression comme la fermeture définitive de l’horizon temporel. La dépression fait couple avec le stress qui est, lui, un symptôme de l’aliénation. C’est le symptôme qui affecte le sujet qui est entraîné dans le fonctionnement de la chaîne signifiante et dans son accélération. » [8]

Dans mon expérience clinique, j’ai constaté depuis plusieurs années un fait surprenant qui n’a pu être relevé par les sociologues : et pour cause, car ils n’ont pas de clinique – à part de regarder la télé, les médias… Et faire passer des questionnaires dont on connait la limite. Ce fait clinique, c’est que les sujets mélancoliques s’identifient à leur corps et que, d’une manière générale, la maladie, toute maladie, mélancolise : le corps souffrant est susceptible de générer de la honte. Si l’on part de l’indication de Lacan, dans le séminaire Le sinthome, que c’est à-partir de l’être que l’homme on a son corps [9], alors que devient cet avoir dans le régime contemporain de la parole ? 

Si l’on suit les conséquences de la notion d’individu et d’individualisme dont les historiens et philosophes ont largement déployé les conséquences depuis les Lumières et la Révolution, si l’on suit à la trace la disparition du terme de sujet chez Lacan, si l’on prend à la lettre la dimension du « réellement un prolétaire », celle de l’humus, si l’on déchiffre l’écriture du Discours Capitaliste qui inscrit le court-circuit de la parole au profit de la connexion directe du consommateur avec le plus de jouir, alors il apparaît que l’individu contemporain est le sujet d’un désêtre. C’est pourquoi, avant le philosophe Coluche qui évoquait la différence entre dictature et démocratie, entre « ferme ta gueule » et « cause toujours », Lacan dans l’Acte analytique, le 19 juin 1968 indiquait : « Nous vivons dans une aire de civilisation où, comme on dit, la parole est libre, c’est-à-dire que rien de ce que vous dites ne peut avoir de conséquence. » Que devient « l’avoir son corps » dans ces conditions ? Je fais l’hypothèse que nous ne l’avons plus, ou moins. Soit : que, ce corps, nous le sommes. Que signifie être son corps, dès lors ? C’est, en dernier ressort, le secret du fameux mépris, que Lacan évoque dans Encore à propos de Freud, Marx et lui-même, en tant que « mépris d’être » [10]. C’est aussi le secret de la réification, et c’est, à mon sens, une indication précieuse pour comprendre la mélancolisation contemporaine universelle des individus que l’on peut, il me semble, au-delà de la théorie du disease mongering, prendre au sérieux. 

Le réel est performatif

Et il le faut. Car nous ne sommes pas des observateurs ou des commentateurs de la modernité comme le sont les sociologues. Pas plus que des idéologues voire des politiques au sens habituel du terme, comme ils peuvent l’être aussi. Nous sommes des praticiens, du corps et du mental, soit de l’âme. Nous pratiquons et témoignons, dans l’espace public lorsque nous l’estimons nécessaire et cet acte, analytique, peut et doit avoir des conséquences politiques. Il nous faut faire poids dans certains moments cruciaux qui nous engagent éthiquement. De quoi s’agit-il en l’occurrence ? Il ne s’agit pas seulement de la dépression au sens de la perte de l’élan vital, de la sorte d’involution qui menace nos sociétés occidentales entre baisse de la natalité et suicidalité galopante. Il s’agit aussi du lien entre dépression et passage à l’acte et ce lien est totalement incompréhensible voire perdu dans la conception sociologique car c’est un lien entre mélancolie et passage à l’acte. Or il est classique dans la clinique psychiatrique et l’on en aura un exemple dans la prochaine table ronde. Pourquoi y a-t-il un lien ? C’est parce que le réel est performatif : il a pour propriété essentielle de pousser à l’acte. Dans la mélancolie et la paranoïa qui en est une forme invaginée en doigt de gant, le déchet passe à l’acte. Il est aussi à l’œuvre dans le wokisme où le mépris se retourne en orgueil agressif et vengeur. Pourquoi ? 

Si l’on a parlé d’actes de langage performatifs, avec Austin, c’est parce que, par défaut, le symbolique n’est pas performatif. Il en est même l’exact contraire comme en témoigne l’opposition entre la pensée et l’acte que démontre en particulier le symptôme obsessionnel : « l’antinomie de la pensée et de l’acte, et disons même, de l’inconscient et de l’acte » dit J.-A. Miller. [11] Le symbolique n’est performatif qu’à sa limite où il prend son contact avec le réel, en tant que signifiant tout seul, dans le réel : « Et c’est au fond ce qui justifie la définition de Lacan, l’acte a toujours lieu d’un dire. Cela veut dire qu’il ne suffit pas d’un faire pour qu’il y ait acte, il ne suffit pas qu’il ait du mouvement, de l’action, il faut qu’il y ait aussi un dire qui encadre et qui fixe cet acte. Évidemment, on peut se fasciner aussi sur les moments où, comme dit l’autre, dire c’est faire, vous savez l’intérêt qu’ont pris certaines philosophies analytiques, linguistiques, pour les performatifs, à ce qu’il suffise de dire « je promets » pour que la promesse soit là. Dans ce cas, nous avons une confusion complète du dire et du faire, c’est le rêve d’une résorption complète de l’acte dans le signifiant. » [12]

Et en retour, l’acte transforme l’architecture symbolique du sujet : « tout acte vrai au sens de Lacan est ainsi, disons-le, un « suicide du sujet » [13] Et : « Au cœur de tout acte il y a un « non ! », un non proféré envers l’Autre. » [14] Et aussi : « L’acte est toujours auto, c’est-à-dire qu’il est précisément ce qui le sépare de l’Autre. » (Ibid., p. 23)

De même, l’imaginaire ne pousse pas à l’acte comme en témoigne excellement Clérambault à-propos des délires interprétatifs ou imaginatifs dans l’érotomanie qui, dit-il, « ne conduisent à aucun acte » [15]. Chez Clérambault, le grand automatisme mental témoigne du fait que le symbolique est comme en continuité avec l’acte puisqu’il se manifeste au mieux successivement, au cours du développement du syndrome dans l’énonciation des actes [16], et dans les actes imposés. C’est avec Lacan dès le séminaire III que l’élucidation de la phrase interrompue permet de saisir qu’il s’agit de symbolique dans le réel, soit détaché de la chaîne, ce qui en fait la différence structurale avec l’obsession. « Si l’essence de la pensée, écrit J.-A. Miller, toujours dans son article sur Lacan et son concept de passage à l’acte, c’est le doute, l’obsession est là pour nous l’incarner, l’essence de l’acte c’est au contraire la certitude. » [17] La certitude, c’est le signifiant dans le réel, soit hors chaîne, hors doute, sans l’atermoiement de l’acte. 

C’est de là que l’on peut comprendre que Lacan ait pu énoncer que l’office social de la psychiatrie n’était « pas près de disparaître » [18] : il s’agit de la responsabilité dans la question du passage à l’acte et cette place de responsable est aujourd’hui peu incarnée. Elle a aussi des conséquences politiques tant on peut apercevoir le déploiement de ses enjeux lorsque la fusion des corps et du Un de la certitude confine au passage à l’acte à large échelle dans des massacres ou des guerres qui mettent en cause la survie de l’humanité : comme l’explique Éric Laurent : « Le lien social du corps parlant met donc en avant l’événement de corps commun, à quoi J.-A. Miller a donné un relief nouveau, qui peut frapper par exemple le corps des croyants, aussi bien dans le sens de la sublimation que dans le sens de la folie destructrice, du triomphe. » [19] L’office social du psychanalyste est alors requis, sur une vaste échelle. Comment ?

Saints-Hommes et sinthomes

Peut-on simplement en appeler alors, comme certains responsables religieux, à l’Amour des uns et des autres ? Aux « cessez-le-feu » immédiats à chaque incendie ? Freud indiquait le caractère exorbitant du commandement d’amour et ses effets de haine en retour. Il faudrait plutôt parvenir à rompre le lien de haine entre le Un et l’Autre, c’est-à-dire entre le corps et la pensée, son propre corps et sa pensée : pour chacun. Or ce lien, comme on l’a vu s’est renforcé du fait du Discours capitaliste : l’individu contemporain est son corps, il hait son corps. Ce pourquoi il demande d’ailleurs parfois à en changer. Et l’on n’a pas fini de voir les déclinaisons de ces demandes à mesure du développement de l’offre technique, elle-même sans fin. Et dès lors lien social, entre ces corps épars, devient problématique. Au point que la jouissance du sacrifice, évoquée notamment par J.-A. Miller, affecte désormais le monde. Et Lacan annonçait « Croyez-moi, le jour du triomphe des martyrs, c’est l’incendie universel. » [20] Aimez-vous les Uns, serait une exigence moins exorbitante. On répondra : narcissisme, contemporain ! Domination du Je !… Il s’agit de tout à fait autre chose : il s’agit de parvenir à ce que chacun, dans ce régime de mélancolisation forcée, trouve le chemin d’une réconciliation singulière, et c’est celle que Lacan a nommée sinthome, c’est-à-dire réconciliation avec sa propre jouissance. C’est aussi la voie de l’artiste comme en témoigne la réduction de l’œuvre d’art à sa valeur d’échange, c’est-à-dire la « désublimation » comme l’exprime Hubert Marcuse. Et comme en témoigne, corrélativement, la montée au zénith de la civilisation de la figure de l’Artiste, figure inexistante avant l’ère moderne. C’est à ce prix seulement qu’un lien social vivable pourra se maintenir et c’est la mission de l’analyste que d’y travailler.


[1] NIMH’s Insel Doubles Back on Backing Away from DSM-5, By Kermit Cole

May 14, 2013, https://www.madinamerica.com/2013/05/nimh-doubles-back-on-backing-away-from-dsm-5/

[2] Miller J.- A., « La théorie du partenaire », Revue belge de psychanalyse Quarto, N°77, 2002, p. 17.

[3] Deux réf.

[4] Lacan, Conférence à Bordeaux, 1968.

[5] Miller J.-A.

[6] « Penser avec son âme ou parler avec son corps », Philippe La Sagna, s’entretient avec Éric LaurentLa Cause du Désir 2016/2 (N° 93), pages 6 à 12.

[7] « L’Autre, à la fin des fins, c’est le corps. », in Lacan J. La logique du fantasme, p. 328.

[8] Miller J.- A., « La théorie du partenaire », Op. Cit., p. 17.

[9] Lacan J. « Joyce le symptôme », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 565.

[10] Réf.

[11] Miller J.-A., « Lacan, remarques sur son concept de passage à l’acte Mental », n° 17, avril 2006, p. 23

[12] Miller J.-A., Ibid., p. 25.

[13] Miller J.-A., Ibid., p. 21.

[14] Miller J.-A., Ibid., p. 22.

[15] Clérambault G.-G., Œuvre psychiatrique, PUF, Tome 1, 1942, p. 400.

[16] Clérambault G.-G., « ABSENCE DE CARACTÈRE PARANOIAQUE CHEZ LA MAJORITÉ DES PERSÉCUTÉS HALLUCINÉS », Intervention, 1923, Œuvre psychiatrique, PUF, Tome 1, 1942, p. 468.

[17] Miller J.-A., « Lacan, remarques sur son concept de passage à l’acte Mental », Op. cit., p. 24.

[18] Réf.

[19]  « Penser avec son âme ou parler avec son corps », Philippe La Sagna, s’entretient avec Éric LaurentOp Cit., p. 9.

[20] Lacan J., Le Séminaire, livre VIII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986, p. 311.