Comme à son habitude, c’est en se traînant qu’il se dirige vers le bureau des éducateurs du Centre Thérapeutique Résidentiel pour faire son pilulier de médicaments pour la semaine. Apathique, il exécute au ralenti les gestes pour sortir les gélules des blisters lorsque sonne son téléphone. C’est T. qui l’appelle, une résidente des appartements qu’il a connue au centre. Elle a reconsommé et a été temporairement exclue de son appartement ; elle lui dit à quel point elle est désemparée. Il lui dit : « je te comprends ». 

Il a coincé son téléphone sous sa joue et a continué à s’occuper de ses médicaments pendant qu’il lui parle. Mais ô surprise, le geste s’est fait preste, délicat, allégé d’on ne sait quelle pesanteur et du soupçon de quelque organicité que ce soit. 

Qu’est-ce qui le ralentit alors d’ordinaire ? Qu’est-ce qui fige sont geste, obnubile son attention, englue sa posture ? Contrairement à l’observation ordinaire, la distraction l’a libéré au lieu de l’égarer. Mais de quoi sinon de lui-même : de son regard sur lui-même, qui le bloque, le fige, le désactive ?