Marco Androsiglio, Pierre Sidon, Fabian Fajnwaks
Que se passe-t-il lorsque flambe la revendication des sujets à une jouissance toujours plus légitime, à une jouissance sur laquelle le capitalisme jette l’huile de la consommation et dont la science repousse toujours plus les limites ? Que deviennent les institutions jadis fondées sur l’interdiction et la régulation de la jouissance ? Car « toute formation humaine a pour essence, et non par accident, de réfréner la jouissance », nous dit Lacan (“ Discours de clôture aux Journées sur les psychoses de l’enfant ”, Autres Écrits,, p.368.) Nous examinerons cette question par trois bouts : celui d’un cas de la pratique, exposé par Marco Androsiglio, d’un sujet que ne parvient pas à arrêter l’action institutionnelle pourtant attentive, par celui de l’émergence d’un nouveau type d’institution fondé sur un lien social singulier, les Anonymes, que tente de décrire Pierre Sidon (Lire) – mais s’agit-il encore d’institutions au sens où l’on pouvait l’entendre jusque là ? Et enfin, par l’expérience, hors des murs, que nous rapporte Fabian Fajnwaks de retour du Brésil. Il nous conforte dans l’idée que, par-delà les remaniements rapides du discours qui affectent notre monde à l’ère du capitalisme et de la science, le discours analytique permet de dessiner la seule géographie à même de nous repérer : celle que dessine la jouissance et les ravinements qu’elle trace dans les corps, individuels et social. Lire le reportage exclusif de Fabian Fajnwaks…
Pierre Sidon
Cette dernière Conversation de l’année aura lieu le 20 juin 2016 à 20h30. Participation sur inscriptions. S’inscrire ici…
On peut recevoir le texte clinique en s’inscrivant à la Conversation et lire le texte sur les Anonymes sur ce site : Les Noms des Anonymes
Comme les antidépresseurs depuis des décennies, les antidouleurs ont la cote: consommations fortes, institutions faibles, la logique n’est pas prête de s’inverser.
Aujourd’hui ce sont les techniques de stimulation médullaire (ou cordonale postérieure SCP) qui se développent à grande allure, les progrès technologiques permettant de remettre au goût du jour les travaux de Wall et Melzach sur la théorie du gate-control1, dans les années 70.
Je cite ici l’ouverture de l’article sur le site qui se consacre au traitement de la douleur:
– « La neuromodulation, à savoir l’utilisation de l’électricité dans le traitement de la douleur, sont connus depuis 64 avant JC. En effet, les Grecs utilisaient déjà les poissons torpilles et leurs décharges électriques pour soulager les patients atteints de douleurs de tout type. Ce n’est qu’au début des années 1960 que l’on redécouvre les applications médicales des champs électriques en termes de neuromodulation.
Depuis les progrès ont consisté en grande partie en la miniaturisation du matériel et se sont attachés à améliorer sa biocompatibilité. Les électrodes sont arrivées rapidement à maturité et un large éventail de dispositifs existent actuellement. D’ici 2017, la neuromodulation générera un chiffre d’affaires d’environ 6,8 Milliard de $ dont un peu plus de 50 % pour le spinal cord stimulation, ce qui est à relativiser par rapport au chiffre d’affaires généré par les traitements médicamenteux qui semble être bien loin au-dessus de ce chiffre prévisionnel. En France la neuromodulation reste encore sous-utilisée et méconnue tant des praticiens généralistes que spécialistes. Elle est pourtant remboursée par la sécurité sociale depuis 2009……. »
Le programme est limpide, qui vise le chiffre d’affaires. En pratique, depuis que le centre antidouleur local s’est lancé dans l’aventure, je reçois de plus en plus de personnes qui non seulement sont sérieusement addicts aux antidouleurs, y compris opiacées, mais aussi aux antidépresseurs, parce que les antidouleurs ne sont plus efficaces, et qui arborent maintenant un petit boitier électrique qu’il faut régler régulièrement chez l’electro-technicien pour stimuler convenablement le cordon médullaire postérieur. C’est Philip K Dick réalisé!
Merci pour votre commentaire qui nous informe très utilement de cette réalité clinique contemporaine faite des rapports du corps avec des prothèses toujours plus nombreuses. Cet appareillage s’accompagne-t-il d’une disparition du sujet, de ses questions sur son être, ses rapports aux autres et sa responsabilité ? La science parvient-elle à effacer le sujet ? Ou au contraire, enseveli sous les promesses de bonheur ou du moins d’ataraxie, celui-ci ne résiste-t-il pas, toujours plus angoissé parce que, finalement, rien ne change ? Le sujet, quelque soit sa souffrance et sa jouissance, est-il malgré tout increvable ?
Le sujet sans doute, (cad avec le doute qui lui est propre!), est increvable, mais la tâche du psychanalyste est rendue d’autant plus complexe qu’elle est sous la pression d’une demande toujours plus impérieuse, qu’il est parfois délicat d’atténuer, de transformer, de tempérer.. pour retrouver la voie de la parole, pour que « dire » fasse à nouveau écho dans le corps sur-appareillé.