Branchement et débranchement dans les toxicomanies et les addictions
Au début de notre élaboration au TyA sur la question de la toxicomanie, nous sommes partis de cette indication de J. Lacan sur la drogue : « Il n’y a aucune autre définition de la drogue que celle-ci : c’est ce qui permet de rompre le mariage avec le petit-pipi ». Cette indication de la « rupture » nous a orienté, plus particulièrement dans le cadre des névroses, et a marqué une première époque dans notre élaboration. J.-A Miller a developpé cette thèse pour nous orienter sur la question de la jouissance du toxicomane[1]. Cette première version sur la toxicomanie dans l’orientation lacanienne élaborée par J.-A. Miller, avec de nombreuses références dans ses cours, conférences et conversations, est centrée sur la fonction du phallus.
Nous pouvons signaler un deuxième moment où la référence centrale n’est plus le phallus mais l’objet petit a. La période du partenaire sinthome[2] nous amène à une nouvelle version de la toxicomanie comme jouissance asexuée et comme un “anti-amour[3]”. “Le toxicomane se passe du partenaire sexuel et se concentre, de façon exclusive, sur le partenaire asexué et le plus-de-jouir“[4]. Il ne s’agit pas du phallus, même si la rupture avec l’Autre de l’Amour est sous-jacente. C’est la prééminence de l’objet a sur l’idéal.
Nous pouvons trouver un troisième moment dans l’élaboration de J.-A. Miller, où il ne parle plus de toxicomanie mais d’addiction. Dans ce cas, il n’est pas question du phallus ni de l’objet petit a, mais du sinthome du dernier enseignement de Lacan. En effet, dans “L’être et le Un”, J.-A. Miller revient sur cette question à partir de l’itération du symptôme et de l’addiction comme modèle du symptôme. Il s’agit alors d’un symptôme qui est séparé de l’Autre et vide de sens. Nous avons ici un concept d’addiction comme mode de séparation de l’Autre. Dans ce cas nous sommes plus proches des pratiques de consommation dans le champ des psychoses.
À partir de ce parcours, nous pouvons dire que dans l’élaboration sur les psychoses ordinaires et les inclassables, la thèse de la rupture est remise en question. Cette thèse s’inscrivait dans une clinique de la discontinuité, particulièrement sur la notion du phallus. Pourtant, c’est à partir d’une clinique souple de la continuité que nous pouvons penser le branchement et le débranchement avec l’Autre dans le champ des toxicomanies et des addictions. Ce dernier point nous a permis de commencer un travail sur la fonction de la drogue pour chaque cas et plus particulièrement dans la psychose. En effet, nous trouvons certaines pratiques de consommation qui fonctionnent comme mode de branchement à l’Autre ou, au contraire, comme débranchement. Ainsi, nous voyons un nouveau défi dans notre champ, avec la possibilité de penser, depuis l’orientation lacanienne, aux nouvelles pratiques de consommation selon les différents moments de notre élaboration et en incluant des développements innovateurs, poussés par la clinique qui a toujours un pas d’avance sur nous.
Fabian Naparstek
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[1] – Miller, J.-A.: “Para una investigación sobre el goce autoerótico”, in Pharmakon digital n. 2, 2016, Clássicos: www.pharmakondigital.com
[2] – Miller, J.-A.: “El partenaire – síntoma” Los cursos psicoanalíticos de Jacques – Alain Miller. Paidós.
3 – Miller, J.-A.: “El síntoma charlatan”. Ed. Paidós, Barcelona, 1998.
4 Miller, J.-A.: “La théorie du partenaire” en Quarto 77, Bruxelles. P. 14.
[3] – . Miller, J.-A.: “La théorie du partenaire2 en Quarto 77, Bruxelles.pag. 14
[4] -Op. Cit.
Samedi 31 mars 2018 à Barcelone,
au siège de l’ELP de 9 h à 16h30