Pour la première de nos Conversations de cette année, nous tenterons d’illustrer comment la haine de soi, en particulier du corps morcelé, peut être au principe desdites « addictions ». Nous interrogerons le destin différent de cette passion funeste à l’aide de deux situations cliniques : la première, un long suivi qui permet au sujet de s’appuyer, bien que difficilement, sur la parole ; la deuxième, une urgence thérapeutique et de sûreté publique, qui empêche un suivi :
Stéphanie Lavigne, « Je n’aime pas parler de ça » : Sophie est une femme de devoir, sage et silencieuse, triste et stricte qui se remplit de nourriture et d’alcool depuis de nombreuses années. L’entrée au collège de son enfant va l’amener à faire une demande dans un Centre de soins pour les addictions « pour voir ce qu’on peut lui proposer ». De cette rencontre commence un lien inédit mais peut-on parler d’un désir de savoir ? Et jusqu’où va son indignité : est-elle écrasée par son idéal ou identifiée à son corps qu’elle déteste ? Le suivi est marqué par sa difficulté à parler et, lors d’un moment d’angoisse paroxystique, elle décide de faire un sevrage puis une postcure : s’agit-il d’un acting out ou d’une mise à l’abri ?
Pierre Sidon, « Si j’avais continué comme ça, je serais devenu un cadavre » : il a essayé de se « faire sa psychothérapie » avec des drogues mais ça n’a pas marché. Il pense qu’il aurait pu en mourir… Et puis il a rencontré la religion, la Bible, qui l’a guéri des drogues. Et puis le Coran et les video internet qui, en une semaine, le poussent vers le djihad. C’est une autre modalité de la ségrégation qui illustre la thèse d’Eric Laurent sur le stupéfiant comme « autre face du racisme ». Sa passion haineuse s’est aussi détournée contre l’autre et il faut le faire interner d’urgence par mesure de sauvegarde. Cette guérison des drogues, démontre-t-elle l’inanité des théories neurologiques des addictions ? Cela indique-t-il alors que les addictions seraient une variété des passions ? Et la haine gît-elle en chaque addict ?
Quelques unes des nombreuses questions que nous traiterons cette année surgissent déjà, brûlantes, de ces deux premiers exposés, cliniques, théoriques et politiques, de cette année qui s’annonce… passionnante.
Participation sur inscription.
Pierre Sidon