Il ne supporte pas les discussions sur le produit au CTR et interroge l’institution en réunion résidents : « Certaines discussions autour du produit ont lieu, parfois nostalgiques. Elles peuvent perturber certains résidents. Quel est le comportement à adopter, que ce soit de la part des résidents qui en parlent et de ceux qui entendent ? Peut-on éviter d’impliquer des résidents directement ou indirectement, à-travers ces discussions ? ».
Il est vrai qu’il s’est stabilisé sur un mode d’abstinence rigoureux et qu’il n’entend pas même parler d’une possible tentation de consommation lors de l’atelier Réduction des Risques avec le médecin addictologue. Il s’insurge même contre ceux qui succombent à la tentation et pourrait reprocher à l’institution de ne pas le protéger comme elle le doit. Il souffre à la moindre évocation de consommation. Bref, il a effacé le produit de sa subjectivité pour ne le considérer que sous un angle rigide et interdictif, il s’est éloigne du statut d’addict pour s’approcher des rives d’un certain talibanisme. On pourrait considérer qu’il est ainsi stabilisé au mieux. Mais nous savons aussi qu’il sera plongé, à sa sortie, dans un monde de sollicitations et de consommation.
Pourra-t-il tenir avec ce simple rejet de sa problématique passée ? L’addiction était elle-même une modalité de rejet de sa subjectivité, isolement, séparation, auto-ségrégation. L’abstinence militante pourrait bien avoir pris le relais de la consommation et l’on pourrait même évoquer une addiction à l’abstinence. Ce serait bien sûr une addiction « comportementale » bien moins préjudiciable que toute autre et parfois même stabilisatrice, surtout dans les groupes ad-hoc. Mais la question est plutôt celle de sa fragilité à prévenir ou à limiter les conséquences d’une reconsommation ultérieure. Et c’est là que s’insèrent la pertinence de la Réduction des Risques et du travail psychanalytique, seul à même de cerner, avec les sujets, la place et le rôle de l’addiction dans leur économie psychique.