Richard Bonnaud
Lors de cette soirée du 18 mai 2015 consacrée aux addictions, il s’agira de vous présenter une vignette clinique, celle d’un patient reçu dans une institution psychiatrique spécialisée dans les addictions.
Je développerai la particularité de ce cas qui d’emblée se plaint « d’être angoissé en raison de ses comportements addictifs. »,. Il s’agit d’un cas d’homosexualité masculine, marié, vivant donc en couple depuis plusieurs années. Pour lui, l’impératif du couple à trois semble faire symptôme. À une addiction aux rencontres gay sur smartphone, s’ajoute une deuxième addiction aux drogues (cocaïne, alcool, MDMA et catinones en slam). Une troisième se déploie avec des rencontres sexuelles multiples et fréquentes. Cette suractivité multiforme n’est pas sans nous évoquer l’expression d’Eric Laurent sur « les choix forcés de la pulsion et leur pousse-à-la mort. » 1
En effet, le corps infecté par le VIH et autres maladies n’est pas un frein, et sert à provoquer des émotions et des sensations autoérotiques. Celles-ci relèvent-elles d’une jouissance marquée du risque d’une jouissance mortelle ? Qu’en est-il du traitement de cette pulsion de mort impérative, par la psychanalyse ?
« Je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas m’arrêter. Pourquoi cela se répète », dit-il. Il s’agit d’entendre là une demande. Demande de savoir, de comprendre, d’interpréter le pourquoi de ces comportements qui, eux, relèvent de la jouissance. D’emblée, la disjonction entre signifiant et jouissance se présente comme une question qui insiste.
Le sujet cherche à mettre du sens sur ce qui se répète et l’angoisse. C’est le bon moment pour l’attraper dans les filets du désir de savoir, grâce à l’opération du sujet supposé savoir.
Le Un de l’itération dont parle J.-A. Miller, dans Les paradigmes de la jouissance 2 se présente dans ce cas sous la forme d’une disjonction entre la formation du couple côté imaginaire et comme recours au Symbolique d’un côté, et la jouissance illimitée qui se joue dans les pratiques à plusieurs, de l’autre. Le corps est au cœur de ce réel et plus particulièrement, les corps multiples des partenaires dans une dimension de jouissance insensée qui provoque l’angoisse.
1 Lacan Quotidien n°204, Entretien avec Eric Laurent, Buenos aires, le 24 avril 2012. Extraits sur ce site…
2 Miller J.-A., « Les six paradigmes de la jouissance », Revue La cause freudienne n°43, Paris, Seuil, 0ctobre 1999.