Mauricio Rugeles Schoonewolff
Il a toujours mal dormi. Si ce n’était pas à cause de la rue, c’était à cause de son corps : ses genoux, plusieurs fois opérés, les médicaments, les produits… Et la « fatigue mentale » aussi. Et le jour il reste au lit aussi ou bien il somnole. Jadis il dormait bien : il travaillait : « la fatigue physique ».
Il a travaillé depuis ses 16 ans, lorsque son père l’a « foutu dehors » : un travail nourri-logé, qui l’a soutenu. Il s’effondre à la mort de sa mère, à laquelle il s’identifie : le deuil impossible le précipite dans l’alcool. Il perd son logement mais garde son travail. Un accident de voiture survenu à l’âge où sa mère est morte lui ôte ce soutien. C’est là qu’il perd le sommeil. Il insiste pour retravailler, mais comment faire dans son état actuel ?
Et comment trouver un appartement pour sortir du CTR avec ses ressources limitées ? Alors il est angoissé, tremble et ne trouve pas le sommeil. Lorsqu’il s’endort enfin, un cauchemar le réveille pendant la nuit : il rêve qu’il se drogue, se pique, il est à la rue et tout le monde se moque de lui. Le réveil lui évite de se confronter à son statut d’objet où se révèle sa mélancolie. Le « travail du rêve » est insuffisant pour garder le sommeil du sujet.
Mais dans sa vie s’accomplit, à son insu, son destin d’objet déchet qu’aucun travail n’a pu enrayer. Pour lui, le réel ne dort pas.