Dès le premier week-end de son arrivée aux Appartements Thérapeutiques Résidentiels il annonce bruyamment son arrivée aux habitants de l’immeuble à trois heures du matin : passablement alcoolisé, il ne trouve pas son nom sur la porte de son nouvel appartement et sonne à toutes les portes demandant un téléphone parce qu’il a oublié le sien. Alerté le dimanche matin par le voisinage, le directeur de l’institution le convoque : « Venez m’expliquer ça, et apportez vos clés ». Il manque le rendez-vous, explique qu’il arrivera plus tard. On ne pourra le recevoir mais il pourra tout de même remettre les clés. Aux infirmières qui l’accueillent en cette fin de journée avec mission de réceptionner les clés de l’appartement, il demande, décomposé : « – Est-ce que je suis rayé de l’association ? » Son père vient de lui déclarer dans l’après-midi que, puisqu’il a raté le rendez-vous avec nous, il ne sera désormais plus « un point de chute » pour son fils et qu’en outre, il ne sera plus une domiciliation pour lui.
Son corps était accueilli, à 40 ans révolu, chez ses parents. Mais il craint que son nom ne soit rayé des listes. Et de partout parviennent les échos de la fragilité de cette inscription : il ne sait pas où il habite. Faute d’avoir « nul discours de quoi faire semblant, c’est-à-dire lien social » (Lacan), son corps anonyme traversé d’une jouissance amplifiée par l’alcool fait donc symptôme pour le corps social. Nous l’inscrivons dans notre institution mais nous mettons en quelque sorte son corps en Interruption de Séjour d’entrée de jeu. Dans cette passe d’armes inaugurale de la prise en charge, chacun joue son rôle, un rôle sérieux qui touche au réel. Nulle chance de déloger, si peu que ce soit, le sujet de sa place de déchet pour l’Autre sans un acte de coupure. Ici la coupure associe, à une inscription de son nom dans l’institution, un refus de son corps jouissant sans limite.