Article paru dans Alcoologie Addictologie 2014 ; 36 (1) : 43-48. Avec l’aimable autorisation des auteurs qui nous feront l’honneur d’une présentation lors de la Conversation du 23 juin 2014.
Mme Coralie Haslé*, Dr Jean-François Perdrieau**
*Psychologue clinicienne, CSAPA AGATA, 34, rue Pierre Timbaud, 92230 Gennevilliers. Courriel : agata-jeunes@agata.asso.fr
** Médecin addictologue, Responsable médical de l’association AGATA, Gennevilliers, France
Le 27 aout 2012, le site PNAS a fait paraître une étude, menée conjointement par une université néo-zélandaise et une université américaine, intitulée « Persistent cannabis users show neuropsychological decline from childhood to midlife », qui rapportait des résultats assez saisissants au sujet de l’impact du cannabis sur les capacités cognitives des adultes ayant commencé à consommer à l’adolescence. Ces résultats ont très vite été repris par les grands medias, dans le monde entier, en particulier l’une des phrases de leur conclusion : « les gros consommateurs de cannabis ayant commencé à l’adolescence montrent une perte moyenne de 8 points de QI entre l’enfance et l’âge adulte ». Ce résultat est assez important pour modifier les discours des professionnels du soin et de la prévention, mais aussi pour interpeler les politiques de santé publique. C’est pourquoi il nous est apparu nécessaire de reprendre l’ensemble des données de cet article et d’en proposer une analyse critique.
Cette étude a été réalisée sur les sujets de la Dunedin study (étude longitudinale pluridisciplinaire sur la santé et le développement) : en 1975-76, l’Université de Dunedin a recruté 1037 enfants néo-zélandais âgés de trois ans (donc nés en 1972-73) qui ont régulièrement passé, tout au long de leur vie,divers tests et questionnaires de santé.
Parmi les données recueillies, celles qui ont intéressé les auteurs de cette recherche sont les capacités cognitives, évaluées par le test de QI, et les consommations de cannabis. L’échantillon est composé de Néo-Zélandais d’ancêtres européens blancs (les autres types ne sont pas représentés), dont 52% sont des hommes, les différents types de catégorie socio-économique étant représentés.
Le QI est évalué une première fois à l’âge de 13 ans, avec le WISC-R. Les sujets sont ensuite revus à 18, 21, 26, 32 et 38 ans (il reste alors 964 individus dans l’étude). A chaque fois, leur consommation de cannabis est évaluée (il s’agit de savoir s’ils remplissent les critères de dépendance au cannabis établis par le DSM). A 38 ans, ils repassent le test de QI avec la WAIS-IV. L’évolution du QI entre 13 et 38 ans (chaque individu est son propre référent) est observée et testée statistiquement en fonction de la consommation de cannabis au cours de la vie.
L’étude se propose de parer aux limites des recherches publiées antérieurement sur ce sujet : l’absence de données initiales (comparaison des capacités cognitives des fumeurs de cannabis avec celles des non-fumeurs) et leur caractère rétrospectif. D’une part, cette étude est longitudinale et, d’autre part, elle évalue le QI à 13 ans, donc avant la consommation (seuls sept individus consommaient déjà à cet âge-là), cette évaluation servant de référence et permet d’interpréter le QI à l’âge adulte.
Méthodologie
Les auteurs testent six hypothèses que nous allons reprendre une à une. Pour plus de lisibilité et de compréhension des résultats, nous avons été contraints de calculer les correspondances entre les tailles de l’effet données dans l’article et les variations de points de QI qu’elles représentent, ainsi que de retranscrire certains graphiques en tableaux de résultats chiffrés.
Figure 1 : équivalence entre les tailles de l’effet et les variations de points de QI f(x)=15x)
Dans toute la première partie de leur étude, les auteurs n’indiquent pas la significativité statistique de leurs tests (pas de p) et se servent d’une échelle d’importance de l’effet (figure 1) : une taille de l’effet de 0,20 – équivalente à une variation de QI de 3 points – reflète une légère variation, une taille de l’effet de 0,50 – équivalente à une variation de QI de 7,5 points – reflète une variation moyenne, et une taille de l’effet de 0,80 – équivalente à une variation de QI de 12 points – reflète une grande variation. Ainsi, en dessous d’une variation de 3 points de QI, il n’y a pas d’effet, entre 3 et 7,5 points, il y a un effet considéré comme léger, de 7,5 à 12, un effet moyen, et au-delà d’une variation de 12 points de QI, un effet important.
Résultats
1/ Hypothèse de la détérioration cognitive
Les consommateurs réguliers de cannabis montrent-ils une plus grande détérioration des performances dans les tests, entre l’enfance et l’âge adulte, que les non-consommateurs?
Consommation et diagnostic | Effectif | % d’hommes | QI à 13 ans | QI à 38 ans | Différence |
Zéro diagnostic– jamais consommé– déjà consommé | 242479 | 3949 | 99,8102,3 | 100,6101,3 | +0,8-1,1 |
Un diagnostic | 80 | 70 | 96,4 | 94,8 | -1,6 |
Deux diagnostics | 35 | 63 | 102,1 | 99,7 | -2,5 |
Trois diagnostics ou plus | 38 | 82 | 99,7 | 93,9 | -5,8 |
Tableau I : évolution du QI entre 13 et 38 ans en fonction de l’existence de consommation de cannabis et du nombre de diagnostics de dépendance
Les auteurs concluent de leurs résultats (tableau I) que « les membres de l’étude qui ont plus régulièrement des diagnostics de dépendance au cannabis montrent un plus fort déclin cognitif ».
Nous constatons que seuls les sujets diagnostiqués trois fois ou plus au cours de leur vie ont une différence de QI reflétant une variation « légère », c’est-à-dire, de plus de 3 points de QI.. On peut noter que ce résultat ne porte que sur 38 des 874 sujets reportés du tableau I (soit 3,6% de la cohorte totale). Nous remarquons également que rien n’est dit sur les différences importantes entre les QI de départ des groupes « déjà consommé, jamais diagnostiqués », « diagnostiqués deux fois » et « diagnostiqués une fois » (écart aussi important que celui observé entre 13 et 38 ans chez les « diagnostiqués trois fois et plus »).
2/ Hypothèse de la spécificité
Le déficit cognitif est-il plutôt global ou plutôt spécifique?
Pour tester cette hypothèse, les auteurs regardent les différences de performances entre 13 et 38 ans dans les différents domaines (fonctions exécutives, mémoire, vitesse de traitement, raisonnement perceptif, compréhension verbale) à l’aide des différents subtests, des indices de la WAIS et de tests complémentaires. Ils concluent que « les déficits ne sont pas statistiquement différents d’un domaine neuropsychologique à un autre » car leur tests statistiques n’indiquent pas de tendance significatives.
En effet, il n’y a pas de résultats intéressants à ces différents tests : seuls les sujets de la catégorie « trois diagnostiques ou plus » montrent une baisse importante (variation moyenne) et significative (p <0,01) des performances dans cinq épreuves qui concernent différents domaines (fonctions exécutives, vitesse de traitement, mémoire) sans que les autres épreuves évaluant ces domaines ne soient concernées.
De la même manière, pour les différents subtests, on ne peut pas dégager de tendance globale car, même si pour les subtests Similitudes et Vocabulaires (compréhension verbale), les sujets « trois diagnostics ou plus » perdent 6,6 et 6,7 point de QI, ainsi que 9,3 points au subtest Code (vitesse de traitement), leurs performances restent bonnes aux subtests Information (le dernier de l’indice de compréhension verbale) et Symbole (l’autre subtest de l’indice de vitesse de traitement).
Il n’est donc pas possible d’identifier un domaine intellectuel qui serait plus spécifiquement troublé par la consommation de cannabis.
3/ Hypothèse de l’éducation
Est-ce que les consommateurs réguliers de cannabis voient leurs capacités cognitives décliner à cause du cannabis, ou à cause du fait qu’ils font moins d’études et d’apprentissages?
De leurs résultats (tableau II), les auteurs concluent que «les effets du cannabis, observés au début, restent observableslorsque l’on contrôle les niveaux d’éducation. […] Plus précisément, parmi ceux qui n’ont pas fait d’études supérieures, les usagers réguliers de cannabis montrent une plus forte détérioration cognitive que les autres ».
Education | Diagnostics | ||||
Zéro | Zéro / Usage | Un | Deux | Trois ou plus | |
Echantillon total | + 0,8 | – 1,1 | – 1,6 | – 2,5 | – 5,8 |
Bac ou moins | – 0,4 (24 %) | – 2,1 (27 %) | – 2,4 (54 %) | – 3,7 (57 %) | – 7,2 (68 %) |
Tableau II : évolution du QI en fonction du niveau d’éducation et des diagnostics de dépendance au cannabis (entre parenthèses, le pourcentage de l’effectif total de la colonne ayant le niveau baccalauréat ou moins)
Or, si nous déduisons de ces résultats les diminutions de QI des individus de la cohorte qui ont fait des études supérieures (tableau III), nous constatons que les sujets ayant consommé sans jamais être diagnostiqués ne perdent que 0,75 point de QI, ceux ayant été diagnostiqués une fois également, et ceux l’ayant été deux fois ne perdent que 0,9 point : ces effets ne reflètent pas de variation significative. Enfin, ceux qui ont été diagnostiqués trois fois ou plus ne perdent plus que 3,1 points de QI lorsqu’ils ont fait des études supérieures (soit 4 points de moins que ceux qui n’en ont pas fait).
Education | Diagnostics | |||
Zéro / Usage | Un | Deux | Trois ou plus | |
Niveau supérieur au Bac | – 0,75 | – 0,75 | – 0,9 | – 3,1 |
Tableau III : évolution du QI des usagers ayant fait des études post-bac (calcul à partir des données présentes dans l’étude initiale et de la formule : ΔQI2 = [ΔQItot – (ΔQI1 x P1)] / P2 ; 1 désignant la catégorie « Bac ou moins » et 2 désignant la catégorie « Bac ou plus »)
Contrairement aux conclusions des chercheurs, il nous semble donc que le niveau d’étude influe de manière importante sur les conséquences de la consommation de cannabis sur les capacités cognitives : un individu diagnostiqué dépendant du cannabis trois fois ou plus au cours de l’étude et qui a fait des études supérieures (ils ne sont que 12 dans l’étude) ne témoigne que d’une « légère variation » de son QI.
3 bis/ Est-ce dû à des troubles associés?
Les chercheurs ont vérifié si les résultats obtenus n’étaient pas imputables à des explications alternatives. Pour cela, ils ont regardé les variations de QI des échantillons en enlevant successivement ceux qui ont consommé au cours des dernières 24 heures, ceux qui ont consommé au cours des sept derniers jours, les dépendants du tabac, qui sont dépendants des « drogues dures » (sic), les alcooliques et les schizophrènes. Les auteurs en concluent que «exclure ces groupes ne changent pasles résultats initiaux ».
Nous remarquons qu’en enlevant les individus qui ont consommé la semaine précédente, les sujets ayant été diagnostiqués dépendants du cannabis trois fois ou plus au cours de leur vie perdent moins de points de QI (4,2 au lieu de 5,8). Donc le seul résultat vraiment intéressant au sujet d’une détérioration cognitive est en partie imputable aux récentes consommations des sujets de cette catégorie.
4/ Hypothèse du fonctionnement cognitif quotidien
Est-ce que cet affaiblissement cognitif se traduit par des difficultés fonctionnelles dans la vie quotidienne?
Chaque sujet de l’étude a cité un proche ou deux que les chercheurs ont contacté pour leur faire remplir des questionnaires sur les comportements du sujet au quotidien, en particulier sur ses capacités attentionnelles et mnésiques. Ils constatent que « les informateurs observent significativement plus de problèmes d’attention et de mémoire chez les sujets qui ont plus régulièrement des diagnostiques de dépendance au cannabis ».
Cela semble tout à fait cohérent avec la clinique et le vécu des patients. La présentation de ces résultats n’est pas corrélée dans l’article avec l’âge du ou des diagnostics de dépendance (comme à chaque fois), ce qui rend impossible toute critique pertinente. Il serait intéressant de savoir si ces résultats persistent à l’arrêt du cannabis et après une abstinence prolongée de plusieurs mois.
5/ Hypothèse de la vulnérabilité développementale
Les adolescents sont-ils particulièrement vulnérables aux effets de l’usage régulier de cannabis sur le fonctionnement neuropsychologique ?
Consommation | Un diagnostic | Deux diagnostics | Trois diagnostics et plus |
Début avant 18 ans | – 3,1 (N = 17) | – 5,9 (N = 12) | – 8,1 (N = 23) |
Début après 18 ans | – 1,3 (N = 57) | – 0,6 (N = 21) | -2,1 (N = 14) |
Cohorte totale | -1,6 | -2,5 | -5,8 |
Tableau IV : évolution du QI en fonction du nombre de diagnostics de dépendance et du fait que la consommation aie débutée avant ou après 18 ans
De leurs résultats (tableau IV), les auteurs dégagent trois conclusions.
1. « Les sujets ayant commencé à consommer à l’adolescence, et qui ont été diagnostiqué dépendant du cannabis avant 18 ans, ont plus tendance à devenir des usagers dépendants de manière persistante ». En effet, parmi les sujets dont le premier diagnostic a été posé à 18 ans, 44% (soit 23 sujets) va présenter trois diagnostics ou plus de dépendance au cannabis au cours de sa vie, contre 15% (soit 14 sujets) chez ceux dont le premier diagnostic intervient après 18 ans. Il est important de nuancer ce résultat, le premier diagnostic de dépendance n’étant jamais posé avant 18 ans, mais au plus tôt l’année des 18 ans de l’individu. Ainsi, non seulement l’adolescence est, dans le texte, évaluée par le critère « avant 18 ans », déjà trop flou, mais elle est même en réalité évaluée par « à 18 ans » (cf. les explications méthodologiques à la fin de l’article). De plus, les auteurs nous indiquent avoir effectué d’autres statistiques en définissant « l’usage de cannabis avant 18 ans » pour ceux qui consommaient de manière hebdomadaire avant cet âge. D’après eux, les résultats sont les mêmes, mais le graphique cité n’apparait pas dans l’article.
2. « Ils montrent une plus forte détérioration cognitive que ceux qui commencent à l’âge adulte ». Si l’on s’en tient aux résultats, on constate en effet que, dans chaque groupe, ceux qui ont commencé à l’adolescence perdent plus, voire beaucoup plus, que ceux qui ont commencé à l’âge adulte (respectivement + 1,8, + 5,3, et + 6,0). Les 23 sujets qui ont commencé à consommer avant 18 ans, et qui ont été diagnostiqués dépendants du cannabis trois, quatre ou cinq fois au cours de leur vie, perdent ainsi 8,1 points de QI.
Mais les sous-échantillons sont extrêmement petits, au point même que ces différences ne sont pas ou peu significatives, comme les auteurs l’indiquent dans leur graphique (mais pas dans le texte) : p = 0,44 pour un diagnostic, p = 0,09 pour deux diagnostics, et p = 0,02 pour trois diagnostics et plus (un résultat commence à être significatif pour un p < 0,05, et est hautement significatif pou un p < 0,01).
3. « D’ailleurs la détérioration cognitive de ceux qui commencent à l’âge adulte ne semble pas dépendre de l’importance de l’usage de cannabis ». Effectivement, si l’on regarde leurs pertes de points de QI, il n’y a presque pas d’affaiblissement cognitif, même chez les « gros consommateurs ». Cependant, pour ce résultat comme pour les deux précédents, il nous paraît important de rester prudent et modeste quant à son interprétation, en particulier à cause de la très petite taille des échantillons.
6/ L’hypothèse du rétablissement
Les anciens consommateurs de cannabis, qui ont arrêté ou diminué leur consommation, retrouvent-ils leur santé neuropsychologique ?
Début de la consommation | Usage peu fréquent | Usage fréquent |
A l’adolescence (N=36) | – 5,0 (102,5 -> 97.,5) (N = 17, p = 0,03) | -7,3 (96,9 -> 89,4) (N = 19, p = 0,0002) |
A l’âge adulte (N=33) | -1,2 (104,4 -> 105,6) (N = 13, p = 0,73) | -3,2 (98,8 -> 95,6) (N = 20, p = 0,11) |
Tableau V : évolution du QI en fonction de l’état des consommations l’année précédente et de l’âge de début chez les usagers diagnostiqués dépendants deux fois ou plus (entre parenthèses les chiffres de QI, l’effectif du sous-échantillon et le p)
Les auteurs ont comparé les pertes cognitives des individus diagnostiqués deux fois ou plus selon qu’ils aient commencé à consommer à l’adolescence ou à l’âge adulte et selon qu’ils aient arrêté, diminué ou continué leur consommation dans l’année (tableau V). Ils interprètent leurs résultats ainsi : « Parmi ceux qui consomment dès l’adolescence, la détérioration cognitive est apparente, que la consommation soit fréquente ou peu fréquente l’année précédant le test. A l’inverse, la détérioration cognitive n’est pas apparente parmi ceux qui commencent à consommer à l’âge adulte, et ce,qu’ils consomment fréquemment ou peu fréquemment l’année précédant le test. Donc, l’arrêt de l’usage du cannabis ne permet pas de rétablir complètement le fonctionnement neuropsychologique chez les anciens consommateurs réguliers de cannabis ayant commencé à l’adolescence ».
Nous contestons cette interprétation des résultats pour plusieurs raisons :
– D’une part, pour des raisons relatives à la méthodologie : dans cette analyse statistique, les auteurs n’étudient pas les conséquences d’un arrêt total, mais d’un usage peu fréquent, notion définie par « usage hebdomadaire ou moins ». De plus, cet arrêt, qui n’en est pas un, n’est pas de longue durée, il a moins d’un an. Enfin, les individus ayant été diagnostiqués une seule fois ont été retirés de cette analyse. Autre bémol méthodologique, récurrent : cette analyse ne repose que sur 69 sujets, répartis en quatre groupes de 13 à 20 sujets, ce qui a pour conséquence que seul un résultat est statistiquement significatif.
– D’autre part, si on interprète tout de même ces résultats, parmi ceux qui commencent à consommer à l’âge adulte, les pertes cognitives sont assez faibles (elles dépassent tout juste 3 points), et même quasi nulles après diminution de la consommation. En ce qui concerne ceux qui commencent à consommer à 18 ans, les pertes sont en effet plus importantes, mais la diminution au cours de l’année précédente leur permet tout de même de perdre 2,3 points de moins que ceux qui ne diminuent pas. De plus, il n’est pas fait état, dans le groupe qui a diminué ou arrêté de consommer, de la date de la dernière consommation, or il a été montré (hypothèse 3 bis, cf. supra) qu’une consommation la semaine précédent le passage des tests modifie de façon importante le résultat de celui-ci.
Il nous semble que, compte-tenu des limites des critères méthodologiques retenus, ces résultats ne permettent pas de conclure qu’il n’y a pas de récupération des capacités cognitives à l’arrêt du cannabis.
Conclusion
Pour conclure, les gros consommateurs (diagnostiqués au moins trois fois, c’est-à-dire qui fument beaucoup pendant au moins dix ans de leur vie d’adulte), et seulement eux, auraient tendance à perdre des points de QI au cours de leur vie, s’ils n’ont pas fait d’étude, s’ils consomment encore et s’ils ont commencé à l’adolescence. Cependant, il nous semble important de rappeler que la définition de l’adolescence utilisée dans cette publication est inhabituelle (18 ans) et qu’il n’est pas fait état de l’évolution des tests des sept sujets consommateurs à 13 ans. Les QI à 13 ans des groupes de départ ne sont pas comparables (différence pouvant aller jusqu’à 5,9 points) sans qu’aucune explication ne soit donnée. Les résultats portent sur des sous-échantillons comprenant peu de sujets, avec des résultats souvent non significatifs : le résultat mis en avant dans la conclusion de perte de 8 points de QI porte sur 23 sujets sur les 1037 de départ, soit 2,21 % de la cohorte. Ce résultat n’est pas croisé avec une consommation la semaine précédant le passage du test, alors qu’il a été montré que cela modifie le résultat. Cette détérioration neurocognitive n’est donc pas interprétable, et l’on peut légitimement se demander si certains sujets étaient sous produit quand ils ont passé ces tests. Par ailleurs, la question de la récupération des capacités cognitives, qui est particulièrement importante, ne trouve aucune réponse dans cette étude, puisque les auteurs ont mélangé les sujets ayant arrêté de consommer et ceux qui ont diminué leur consommation, et là encore, sans signaler l’ancienneté de la dernière consommation.
Par contre, il semble bien montré qu’il n’y a pas de conséquence significative sur le fonctionnement cognitif ni d’une consommation de cannabis commencée après 18 ans (quelle que soit son intensité), ni d’une consommation de cannabis commencée avant 18 ans (mais qui n’est à l’origine d’aucun ou d’un seul diagnostic de dépendance au cours de la vie).
Cette étude n’apporte donc pas d’élément pertinent permettant de modifier notre pratique en termes de prévention ou de soins des usagers de cannabis.
Bibliographie
Meier M, et al : « Persistent cannabis users show neuropsychological decline from childhood to midlife » – PNAS. 2012 : E2657-E2664.