« Huit ans que j’ai arrêté, c’est fou comme les envies restent : on se sent bien alors on a envie d’être mieux : le glaçage sur le gâteau. Mais on pense à l’après, qu’on se sentira mal, alors on y renonce.
Il y a deux ans, j’avais encore besoin de me prendre un truc pour me percuter la tête. Pourquoi ? Parce que c’est bon : l’envie de se mettre à l’envers, d’être ralenti. Ralentir quoi ? La pensée. Quand elle commence à être trop nourrie , qu’elle part dans tous les sens. C’est pas conscient mais on a une sensation de fuite des idées, qui fait naître une forme d’angoisse. Un lien entre la fuite des idées et l’angoisse ? Oui : quand on n’arrive plus à avoir une pensée cohérente, qu’on saute du coq à l’âne, c’est générateur d’angoisse, mais c’est pas conscient. Et de temps à autre, il y a un souvenir des consommations : ça laisse une empreinte qui demande à réactiver tout le système.

Mais on apprend à relativiser tout ça. Et les médicaments aident à ralentir la pensée si jamais ça recommence.  [il prenait de la Risperidone régulièrement, maintenant du Xeplion ® en injections mensuelles, qui stabilise son humeur de façon plus égale, disait-t-il]

Avant c’était mon moteur, mon essence pour rouler. Et j’ai dégagé ça : même dans les moments faciles on a envie de ralentir la pensée, ou d’alléger ou alourdir son corps : pour prendre un autre véhicule.

A l’arrêt des drogues, tout l’univers se réveille, est neuf, aveuglant et assourdissant : exaltation et peur se mélangent puis on découvre les choses. On s’habitue. Et j’ai une médication adaptée : je n’ai plus besoin de benzos et je vais arrêter les somnifères car j’ai constaté que je pouvais dormir sans. Mais je ne suis pas complètement libre : il reste la méthadone. Si on peut être complètement libre ? Non, certainement pas, c’est une illusion. Mais je suis arrivé à compromis agréable. »

Ces quelques phrases reproduites le plus fidèlement possible dans l’urgence absolue après un entretien avec un patient du CSAPA, qui a fait deux séjours au CTR puis un aux Appartements avant d’être suivi au centre méthadone puis en ville désormais, valent, selon nous, mille fois mieux qu’un long traité d’addictologie universitaire. Mais à chacun ses goûts…