Retournant l’adage marxien, Gunther Anders nous signale à sa façon la montée au zénith de l’objet par la formule : « l’opium est la religion du peuple ». Dans ce contexte de civilisation, l’éducatif tend à devenir la réponse unique d’un pouvoir lui-même impuissant parce qu’irresponsable. Comment comprendre cette invasion du savoir et qu’y répondre ? Nous aborderons ce problème par deux travaux : clinique et théorique :

Pour notre première soirée de la saison 5 des Conversations du TyA, nous aurons donc le plaisir de recevoir la participation exceptionnelle de deux collègues de l’étranger : Yasushi Nishiyori, psychiatre japonais, qui présentera le cas d’un sujet aux prises avec l’alcool, un rituel traditionnel… et sa fonction de père et mari. Tomás Verger, psychologue argentin, fait face à la désinstitutionnalisation en cours dans son pays pour trouver des solutions permettant de contrer la pente au déchet d’un sujet alcoolique.

S’Otôriser et guérir de l’alcoolisme

Yasushi Nishiyori

Après l’échec d’un traitement d’éducation thérapeutique mené lors d’un sevrage éthylique hospitalier compliqué d’un délire persécutif, Yasushi Nishiyori, psychiatre, entreprend le suivi de ce sujet issu de l’île de Miyako au Japon. C’est le désir du praticien, opposé à la pétrification du sujet sous le signifiant « dépression » et au déni de l’alcoolisme, qui va permettre un déploiement de la parole et une humanisation de la jouissance solipsiste dans le rituel local de l’Otôri, une pratique mêlant boisson alcoolisée et parole. La remise en fonction du discours, avec ses effets de singularisation, permettra l’énoncé d’une souffrance plus symptomatique pour ce sujet et aboutira à la disparition du symptôme social : son alcoolisme.

Yasushi Nishiyori est psychiatre de l’Hôpital universitaire Jichi au Japon. Il effectue un stage dans le service de psychiatrie adulte de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, en tant que boursier du gouvernement français.

Les actes de passage pour faire face à la détresse

Tomás Verger

Aujourd’hui, la pratique nous présente des cas très déboussolés. Leur difficulté de faire lien met en évidence une désinsertion subjective. À ces cas s’ajoute la désinsertion sociale.

S. arrive au centre de jour depuis un centre d’aide pour SDF qui fonctionne à Rosario, ma ville. S. avait fréquenté les Narcotiques Anonymes et les Alcooliques Anonymes à Buenos Aires mais disait : « les activités qu’il me proposaient pour occuper mon temps n’étaient pas suffisantes ». Elle se plaignait fréquemment qu’elle n’avait jamais eu un lieu à elle et ajoutait : « ils voulaient qu’avec les activités proposées je ne sois pas dans la maison de l’institution ». Il faut préciser que les activités proposées consistaient en la distribution de brochures qui ont pour but d’inviter les toxicomanes à se réhabiliter. Cette tâche est communément asigné aux ex-consommateurs. Mais S. le disait très bien : « quand je bois je ne sais pas comment m’arrêter ».
En Argentine, la loi actuelle de santé mentale pousse, dans un faux progressisme, à suivre l’héritage italienne de Basaglia et sa clinique des bonnes intentions. La conséquence est que dans les hôpitaux généraux et dans les grands centres psychiatriques, les hospitalisations sont fréquemment refusées. Sous la figure de la « désintoxication » les patients ne peuvent rester hospitalisés qu’une semaine à dix jours pour se séparer du toxique. Comment se servir de l’hospitalisation à condition de s’en passer dans cette conjoncture actuelle? Parfois l’hospitalisation peut fonctionner comme point de capiton.
L’orientation de notre pratique a une boussole précise : accompagner le parlêtre pour trouver sa manière d’arrêter sa dérive.
S. buvait jusqu’à « disparaître », comme elle disait. Elle perdait toute notion du temps et de l’espace. Elle était un objet déchet et dans l’errance apparaissait dans la rue dans un état catastrophique. François Ansermet a utilisé une formulation que j’aimerais rappeler : il s’agit de produire un « acte de passage » pour créer une atmosphère qui permettrait au parlêtre de se séparer de cette jouissance mortifère. Chez S. on aperçoît très bien la dimension de détresse originelle.
Quand l’alcool apparaissait dans la vie de S., elle ne pouvait pas s’arrêter. S. n’a jamais évoqué de phénomènes élémentaires à proprement parler. S’agit-il de déclenchements ou bien de débranchements ? Quelle fonction l’alcool avait-il ? On l’a constaté : l’acte de passage ne se produit pas d’un seul coup.

Bienvenue en éductologie

Pierre Sidon

Cette première soirée sera aussi l’occasion de lancer la thématique de l’année avec une présentation théorique de Pierre Sidon au sujet de la domination de l’idéologie éducative dans la société. Le cas de l’addictologie est particulièrement illustratif de cette tendance.

Cliquer pour s’inscrire aux Conversations…