« C’était les drogues, c’était les filles, c’était la fête… J’ai tout claqué, tout perdu, dilapidé, ma famille et ma santé, mon travail… Je dois de l’argent partout et je ne le sais même pas. Là c’est une saisie sur salaire. Je peux plus payer votre loyer. D’où ça vient ? Je sais que j’avais pas payé mes impôts il y a quelques années. Ou sinon : j’avais pas de mutuelle non plus. Laissez-moi encore quelques mois pour me refaire. Vous ne voulez pas ? Je vous rembourserai, faites-moi confiance… Oui je sais c’est depuis le début et oui c’est vrai ça ne s’arrange pas, au contraire même. Ça s’est aggravé, oui. Une curatelle ? Non, je ne veux pas. Vous ne me laissez pas le choix. J’ai pas le choix, je suis à la rue… Avec mon psy je commence à aborder ma solitude. Je suis chez vous depuis un an et c’est depuis deux entretiens seulement que je trouve un intérêt à parler de moi, pour la première fois. » C’est le point d’arrêt motivé par un défaut de paiement indépassable pour l’institution qui a inscrit un bord mental permettant à ce sujet, pour la première fois, d’investir les entretiens avec son psychologue. Il ne s’agissait pas tant d’une addiction en tant que telle mais que l’addiction était un moyen – entre autres – permettant une fuite financière sans limite. Mais le discours attrape-tout de l’addictologie l’aurait aussi bien qualifié d’addiction (Compulsive Buying Disorder, (acheteurs compulsifs), Compulsive Spending, oniomania, Shopping Addiction…) et les Anonymes accueilli généreusement (Debtors Anonymous, (Débiteurs Anonymes)). L’abstinence n’a donc pas pu enrayer ce phénomène et il a pu trouver d’autres moyens de sa ruine, ne parvenant plus par exemple à trouver du travail. La perspective d’arrêt à cette fuite, du fait des limites propres à l’institution, touche enfin à ce réel débridé. C’est cela qui permet au sujet d’investir autrement et pour la première fois, la parole. Un abord direct du réel par la parole (le symbolique) n’est pas toujours possible. Il y faut en général « un discours qui ne serait pas du semblant » (Lacan), soit un acte, de parole ou de coupure. L’institution a été la seule à même, pour ce sujet, de produire un tel acte. C’est d’ailleurs une des raisons d’être, s’il en est, des institutions.