Résumé de la Conversation du TyA du 16 janvier 2017

Gabriela Pazmino

Lors de la conversation du lundi 16 janvier 2017, nous avons discuté le texte d’Olivier Talayrach, « Haine » : une lecture du texte de Gil Caroz « Connaitre sa haine », paru dans la revue La Cause du Désir n°93. Par la suite, nous avons accueilli José Altamirano, qui nous a proposé le texte «Le recours aux drogues et l’opération de séparation ».

Olivier Talayrach a souligné la distinction entre la haine dite « pépère » et la haine qui rejette l’autre. La première est définie comme une haine oedipienne, qui évoque même la consonance avec père. Ici, l’objet n’est pas directement accessible au savoir, il touche à l’inconscient. De ce fait, la haine n’exclut pas le désir, l’amour ni la rencontre sexuelle. Il s’agit d’une haine jalouse, qui vise l’autre en tant qu’il a affaire à l’objet que je dis être le mien. La deuxième, constitue une nécessité à la formation du moi par le rejet du pire. Or Lacan place cette haine aux fondements du racisme. Cette haine s’apparente ainsi d’une jouissance mauvaise qui s’adresse à un autre collectivisable. Le sujet hait l’autre dont il rejette la jouissance, mais surtout dont il refuse de la reconnaître pour soi-même. Ainsi, le sujet place le mauvais objet à l’extérieur de lui même, précise l’auteur. L’on situe deux exemples de la haine qui rejette ce kakon, le mauvais objet, sur un autre ou une collectivité : la haine envers Le Juif et celle envers La femme. Or l’un et l’autre se trouvent confrontés au pas-tout, puisqu’il s’agit d’une haine qui rejette l’exception. Ainsi, Olivier Taylarach nous rappelle-t-il que dire « Juif » est insultant parce qu’il appartient à un ensemble qui ne peut pas se fermer. Pour la même raison, un juif ne peut pas être antisémite. Il est une nécessité logique qu’il soit inclut dans l’ensemble des juifs. Or à la différence du chrétien, qui a affaire au Dieu de l’amour et de l’ignorance, « il n’y a pas d’être parfait qui puisse héberger le juif ». Jamais le juif n’atteindra la position exigée des juifs par Yahvé. Le juif ne peut donc pas s’identifier à un idéal. Ce Dieu là, il ne peut que l’être-haïr, ou le trahir. Du côté de La femme, l’on retrouve une « pulsion acéphale », dont le paradigme reste Médée ou Lady Macbeth. Pour des raisons logiques également, la femme peut haïr le féminin en elle, sans pour autant devenir misogyne. Deux solutions sont situées par l’auteur en relation à l’insupportable de la jouissance sans limite qui se vérifie du côté féminin : reconnaître sa féminité et reconnaître sa propre haine. L’auteur conclut que les deux haines distinguées dans le texte, trouvent une possibilité d’apaisement. Dans le cas de la haine oedipienne, celle-ci est en mesure d’atteindre « le roc de la castration freudien » et dont un passage à la renonciation de la lutte phallique imaginaire. Quant à la haine qui rejette, celle-ci peut trouver une issue lorsqu’on reconnaît sa propre haine et sa propre féminité, afin de ne pas craindre le « trou » dont le sujet ne voulait rien savoir. Cependant, la discussion mettra en relief qu’il est difficile de distinguer la première forme de haine de la deuxième. D’autre part, lorsqu’on évoque les implications dans la clinique, l’on précisera par exemple que la fureur de « guérir » le toxicomane revient, au fond, à la haine du toxicomane : il s’agit d’enlever cette jouissance qui est insupportable à celui qui est censée s’en occuper.

Le texte de José Altamirano reprend le cas clinique présenté par M. Braun lors de la conversation du 12 décembre 2016, pour l’étudier à la lumière du paradigme de la jouissance de Jacques-Alain Miller correspondant aux Séminaires X et XI. Le texte de J. Altamirano permet de relever un fragment clinique où le patient avait recours aux drogues lorsqu’une identification à l’objet déchet surgit. Quelques questions se posent alors ; S’agit-il d’un acting out ? D’un passage à l’acte ? De la répétition d’une mauvaise rencontre avec le Réel ? Pour proposer une réponse, l’auteur cite Laure Naveau et indique que « pour aborder la question de l’addiction, il faut se repérer par la fonction d’aliénation-séparation ». Qu’est-ce que cette fonction peut donc apporter à la clinique des addictions ?

La discussion permet, d’abord, de distinguer l’acting out, tel que Lacan le définit dans le Séminaire I et le Séminaire XI. L’acting out constituerait des « arrêts dans le symbolique ». Il est une réponse du sujet dans la réalité, à la suite d’une interprétation vers la réalité. L’acting out est donc adressé à quelqu’un, qui peut y répondre. Ensuite, la distinction entre acting-out et passage à l’acte amène l’auteur à situer un point focal : « La différence entre acting out et passage à l’acte est donc celle qui existe entre ‘se laisser tomber’ et ‘monter sur la scène’ ». José Altamirano s’intéresse alors à l’opération de séparation, à partir de la précision que Jacques-Alain Miller propose dans le IVème paradigme de la jouissance : celle-ci est placée comme organe, comme objet perdu. L’aliénation est, au fond, une opération du signifiant qui représente le sujet en même temps qu’il le laisse vide. À cette opération vient répondre la séparation, où le sujet engage une partie de lui même comme vivant, une partie de son corps. La séparation met ainsi en jeu l’objet a. Le cas clinique évoqué par l’auteur permet, effectivement, de reprendre la question de l’identification à l’objet. M. Braun précise, quant à elle, que le cas illustre comment un patient consomme des toxiques pour « supporter ce qu’il fait comme appel [à l’autre] ». La discussion permet de situer que dans ces conditions-là, malgré l’apaisement manifeste du patient, il n’existe pas un « gain de savoir sur la jouissance ». De ce fait, l’effort de séparation n’aboutit pas à l’avènement d’un sujet. Il utilise la substance pour se séparer d’un Autre dont il reste l’objet. De ce fait, l’on peut parler de passage à l’acte dans ledit cas, car il y a la disparition du sujet à travers la consommation.