Aurélie Charpentier-Libert

Cette seconde soirée du Tya Grand-Paris, le 14 novembre 2016, commence par la lecture attentive que le Dr Jean-François Perdrieau a faite pour nous de la nouvelle édition du traité d’addictologie parue en mai 2016, soit 10 ans après la première. Il décortique les changements de cette actualisation et ces implications au niveau clinique et politique.

Dès la préface le ton du renouveau est donné puisqu’il est affirmé que les progrès des connaissances neurobiologiques éclairent d’un jour nouveau et scientifique « les nouvelles définitions des addictions et de la dépendance, et les récentes stratégies thérapeutiques complétées par des stratégies renouvelées de prévention et d’accompagnement ». L’argument scientifique est donc présenté comme ce qui donnerait une vérité enfin incontestable sur l’addiction.

Le Dr JF Perdrieau ne manque pas de constater que la psychanalyse ne figure plus au sommaire de cette édition qui se veut résolument tourné vers la fiabilité scientifique.

Dans le commentaire du texte de notre collègue, Jose Altamiro s’étonne de l’hétérogénéité des textes contenus dans l’ouvrage. Cependant à chaque fois une même méthode est employée : présenter des corrélations entre des statistiques nombreuses et variées et en déduire des théories dites fiables et valides.

Le Dr Perdrieau relève très justement la volonté du manuel de réduire l’être humain à des études statistiques, et de mettre ainsi en avant la pertinence d’une évaluation normée. Il s’agit en fait de prôner une définition scientifique de l’addiction, basée le jeu des publications scientifiques et de quelques corrélations afin de promouvoir l’efficacité d’une prévention chiffrée. Cela revient à déclarer qu’il existerait une science « d’état » qui soit reconnue et adoptée par tous pour guider les soins.

Cependant la logique de la pulsion n’a que faire de ces études. Stéphanie Lavigne nous rappelle que les américains, qui ont réussi leur campagne anti-tabac et enregistrent moins de décès liées à la cigarette, constatent depuis que le nombre de morts pour cause d’obésité morbide a tristement augmenté dans le même temps.

J-F Perdrieau nous explique également que l’ouvrage reprend de grandes et anciennes généralités telles que l’alliance de 3 facteurs qui seraient responsables de l’addiction d’un individu.

Pierre Sidon cite alors un récent article de Gustavo Freda qui souligne le paradoxe actuel entre le discours légal qui dit « non » à la consommation addictive et le discours capitaliste qui dit « jouis ». Ce manuel qui se veut scientifiquement valide et donc incontestable a pour ambition de devenir la référence en matière d’addiction, tentant de supprimer par là-même les discours qui apporteraient une marge d’incertitude et de singularité dans ces raisonnements protocolisés.

Afin d’illustrer ce qu’il fallait démontrer, dans la seconde partie de la soirée  Luis Iriarte présente le cas clinique de Jacqueline Janiaux. À-travers ce cas d’addiction au jeu, nous est présenté toute la singulière logique du symptôme. Or elle ne peut être saisie par les outils quantitatifs promus dans le traité d’addictologie. On y découvre que le symptôme d’addiction chez ce patient vient comme tentative de guérison de la perte que ce dernier vit. En effet, ce sujet a la certitude d’une perte.C’est le réel auquel il est confronté.

En tenant compte, dans ses rencontres avec ce patient, de la logique singulière à l’œuvre dans le symptôme, Jacqueline Janiaux témoigne des effets thérapeutiques directs d’une orientation lacanienne, qui ne recule pas devant le réel avec lequel se débattent les hommes et les femmes qui viennent « parler ».

Cette seconde soirée fut donc une nouvelle fois très animée et source d’enseignements sur la position subversive de la psychanalyse dans un contexte politique où elle est régulièrement attaquée !