Il a fait un parcours de plusieurs années déjà au CSAPA : d’abord au CTR (Centre Thérapeutique Résidentiel) puis en Appartements Thérapeutiques. SDF toxicomane et n’ayant jamais travaillé, il est maintenant salarié et assume un appartement en son nom. Mais il demande souvent un petit plus, un peu de passe droit, une exception, un traitement de faveur au CSAPA et notamment… quant à son traitement par méthadone : le traitement est patiemment ajusté par son médecin addictologue du CSAPA depuis des années et notamment à sa demande : un comprimé en plus quand, régulièrement, il dit l’avoir perdu – sans pour autant, d’ailleurs, être en manque, une délivrance tous les mois alors que la règle au CSAPA est celle d’une délivrance pour quinze jours maximum, une délivrance en pharmacie après la prescription au CSAPA… Et puis le médecin addictologue du CSAPA, adaptant ses missions réglementaires, assume une fonction pas très éloignée de celle d’un médecin traitant, médecin traitant qu’il n’a d’ailleurs pas. Bref, il estime qu’on lui doit… toujours un petit peu plus. Et le médecin du CSAPA, expérimenté et attentif, intuitivement, l’a bien compris.
Mais un jour il doit dire stop : sa demande concerne la délivrance de méthadone qu’il ne peut plus acheter en pharmacie car sa mutuelle s’est interrompue. Il demande un « relais » de délivrance au CSAPA voisin, partenaire de notre CSAPA. Percevant qu’il risquerait ainsi de mettre en péril la prise en charge au CSAPA, qui a été adaptée au millimètre près à sa position subjective singulière, et ce pendant des années et avec les résultats que l’on sait, le médecin addictologue, cette fois-ci, lui dit : « – non ».
Quelques jours plus tard, il appelle un éducateur au CTR pour lui demander comment faire pour s’adresser lui-même au CSAPA voisin. Prompt à vouloir aider le patient, l’éducateur le renseigne amplement… et l’histoire nous sera finalement contée par notre CSAPA partenaire, étonné d’une telle procédure inhabituelle pour un changement de centre. Ils ont bien sûr opposé un refus au patient… avant d’être plus informé par nous.
Lors de la consultation suivante avec son médecin addictologue, il ne mentionnera pas cet épisode… La prise en charge continue chez nous, avec tous ces petits plus qui marquent notre désir thérapeutique pour lui, désir qui probablement lui aura manqué dans son arrivée – manquée – au monde.