Prochaine conversation : 13 octobre 2014

Pierre Sidon

C’est arrivé, loin de nous d’abord. Aux USA l’épidémie a touché depuis bien longtemps l’intouchable, le pur, le noble, le divin amour. Et puis la voilà chez nous : l’addiction…à l’amour ! La toxicomanie ? Un anti-amour disait jadis Jacques-Alain Miller. Alors quid de l’addiction à l’amour ? C’est ce que nous verrons lors de cette sublime rentrée du vecteur Clinique et Addictions du TyA-Envers de Paris !

Inscrivez-vous pour recevoir les références de la soirée et quelques documents précieux.

Et en attendant, un petit apéritif : nous avons vu un film pour vous : “Love Addict, Stories of dreams, obsession and longing” de Pernille Rose Grønkjæ. http://loveaddictmovie.com/

Diffusé en 2012 à la télévision américaine, il a attiré l’attention des médias (« Love Addict’ Movie Explores Love Addiction, ‘Fantasy Universe »,http://www.huffingtonpost.com/2012/10/22/love-addict-movie-explore_n_2002775.html). Qu’y trouve-t-on ?

Un entrelacs fumeux de témoignages. Il s’agit de sujets aux prises avec leur partenaire. Eliza qui scrute les signes de sa certitude, Tracy qui cherche à oublier qui elle est dans un autre, Christian, guéri de son addiction et qui savoure enfin l’amour de sa vie… à distance, une autre Tracy enceinte du vagabond magnifique et indifférent qu’elle a sorti du caniveau, etc.

Malgré la minceur des témoignages, et en s’aidant du témoignage écrit d’une des participantes, par ailleurs blogueuse ( http://thelovelyaddict.com/) on peut dire qu’on ne peut que constater l’absence, chez chacun des protagonistes, d’une quelconque problématique de l’ordre du désir : chacun et chacune semble aux prises avec un Autre ravageant par rapport auquel il se retrouve en position d’objet.

Tous abdiquent finalement toute singularité au profit du nom commun de Love Addict. Aucun professionnel ne vient commenter les séquences – un seul apparaît à l’écran, le thérapeute d’un des participants, qui occupe du coup une place similaire à lui. L’ensemble protéiforme et obscène est sans commentaire à l’exception d’une musique mélancolique et de plans de coupe oniriques montrant un petit garçon et une petite fille errants, instillant par là une seule idée, celle de la réalisatrice, d’une solitude extrême au principe de ces destins.

À la fin, l’on assiste à la rencontre des deux enfants au piano dans un plan à l’esthétique hamiltonnienne qui contraste étrangement avec le réel à vif des vies ainsi étalées. Une voix off de petite fille vient ponctuer le propos évoquant son « lâcher prise » : « la réalité » lui est « apparue », elle a décidé « de ne plus laisser le rêve la lui voiler » et « de ne plus se permettre une telle solitude ». Le dernier plan laisse entrevoir le début d’une réunion d’Anonymes où l’une des participants se présente au groupe qui l’accueille. L’incrustation de fin nous apprend, par ses remerciements, qu’ils sont tous des Anonymous Love Addicts qui ont « partagé » leur histoire. Ont-ils donc enfreint la règle de ces groupes, la discrétion et l’anonymat ? Il se pourrait au contraire qu’à notre tour, hypocrite spectateur, la réalisatrice nous passe le message : toi aussi, tu es un addict comme les autres, toi aussi tu ferais bien de te rapprocher de la communauté de tes semblables et d’abdiquer tout déni et toute résistance pour prier la Puissance Supérieure, tel que le prescrit le Big Book des Alcooliques Anonymes.

Voyez ce film si vous voulez, lisez les références et le document clinique que nous vous enverrons dès votre inscription et rendez-vous le 13 octobre pour en débattre !

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Quelques notes prises à la volée au visionnement du film Love addict :

Eliza :
Elle collectionne les signes qui vérifient sa certitude qu’ils sont faits l’un pour l’autre : des tickets notamment, qu’elle dans un album. Elle rêve, se réveille avec une certitude et part le chercher. Elle répond aux lettres qu’elle lui écrit. Solitude. Elle l’invite. Elle le « revoit enfin », chez elle. C’est un photographe.
Elle filme leur rencontre comme chaque moment important de sa vie : elle se définit comme documentariste de sa vie. Il lui déconseille d’aller à un casting et de fumer. Elle dit qu’ils s’aimeraient peut-être, sûre d’elle-même. Elle se filme avec lui comme en selfie. Il retourne travailler.
Elle laisse un message sur son répondeur : « On a eu un moment merveilleux ensemble, appelle-moi. »
Elle se filme allant à la rencontre du photographe dans son entreprise, elle le filme à distance et il la voit le filmer, interloqué.
Elle l’appelle : tu as essayé de m’appeler : la balle est dans ton camp.
Elle réessaye et tombe encore et toujours sur sa messagerie. Elle lui dit qu’elle aimerait bien qu’il l’appelle, qu’elle ne sait pas ce qu’elle a fait.
Elle recommence encore. Et encore : elle insiste et insiste.
Elle l’appelle : « chéri.. »
Elle l’appelle maintenant en colère et laisse un message : pourquoi tu ne rappelles pas ? C’est ridicule ! Tu es gonflé !
Elle continue de filmer et crie. Elle met sa capuche et se filme en voiture, conduisant vers son domicile à lui, qu’elle filme de sa voiture, zoomant sur son intérieur où l’on l’aperçoit dans son salon regardant la télé, se levant vers la cuisine. Puis avec une femme qui l’enlace. On l’entend pleurer derrière sa caméra.
Il l’appelle sur et laisse un message sur son répondeur à son tour : il lui demande d’arrêter de l’appeler, de le harceler, de se faire soigner. Elle se repasse le message plusieurs fois comme se harcelant elle-même avec lui.

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Tracy :
Il était, dit-elle, « la personne qui me ferait oublier la personne que moi j’étais. » Elle témoigne avec lui, Georges, musicien, assis à ses cotés sur un banc. Il lui dit qu’il ne pouvait pas assumer sa demande à elle : qu’il se sentait comme un insecte qu’on allait écraser, qu’il allait sacrifier sa propre existence. Alors il ne sont plus ensemble : elle ne voulait plus souffrir de l’attendre, de vouloir qu’il lui enlève sa souffrance. Il se sentait, quant à lui, devoir se rétrécir pour elle. Il lui explique sa compréhension de la situation et la réalisatrice coupe à ce moment la scène – de façon surprenante.
Dans un témoignage écrit sur internet, Tracy, blogueuse prolixe et renommée, explique : « There is some disparity, and yet there’s not. Realistically, whether I like to admit it or not, we’re all the same. We are all trapped in addictive behaviors, unable to get out. » (Il y a des disparités et pourtant il n’y en n’a pas, que cela me plaise ou pas : nous sommes tous pareils : piégés dans des comportements addictifs et incapables de nous en sortir ». (http://thelovelyaddict.com/2011/04/02/love-addict-review/) Elle se décrit comme différente avant d’abdiquer sa singularité et d’endosser l’identité d’addict : « you have my segment, which comes in the beginning, and which “describes” what love addiction is—almost psychoanalytically. I describe the pain and loneliness of waiting for G’s call, of putting up with his drug use, of having no sex or even touching for over a year and of not being able to end the relationship despite obvious signs that it was over. It’s a story of frustrated love most people can identify with–at least to a point. » : « Vous trouvez, au début du film, ma séquence et qui décrit – presque psychanalytiquement – ce qu’est l’addiction à l’amour. Je décris la douleur et la solitude à attendre l’appel de Georges, à faire avec sa consommation de drogues, sans relation sexuelle ni même aucun contact charnel pendant plus d’une année et de ne pas être capable de mettre fin à cette relation malgré tous les signes qu’elle était finie. C’est l’histoire d’un amour frustré à laquelle la plupart des gens peuvent s’identifier – au-moins jusqu’à un certain point. »
Rien de spécifique à ce point donc…

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Christian :
Ingénieur systématicien, premier guitariste ; dans son garage, jouant du métal, tatoué ; avec sa mère (je suis la meilleure mère du monde) qui habite dans la maison du fils (locataire de son fils et qui tient à préciser l’importance de ce statut)
Avec son thérapeute il témoigne de ses progrès : il n’arrivait pas à être seul car il se détestait. Et qu’il pensait après deux rdv que c’était la bonne personne. Prêt à tout concéder pour l’autre. Maintenant il n’est plus dépendant et prêt à accepter toute demande. Il croit s’assurer de la caution de sa mère pour dire que sa nouvelle copine est vraiment calme. Elle est artiste, et c’est ainsi qu’il se définit lui-même. ils sont connectés l’un à l’autre et à ce qui les entoure.
Il l’appelle son « elfe » et d’ailleurs les photos qu’elle montre d’elle, prises par elle-même dans la forêt la figurent avec des oreilles étranges (des feuilles ?)
elle habite très loin, ils ont une relation à distance (Ohio) – je demande : les elfes ont-elles des relations sexuelles ? Selon Tyellas , un commentateur de Tolkien : «  »égaux pour toutes les choses qui n’étaient pas influencés par la mise au monde des enfants » et ne pratiquent pas en dehors de l’amour, qui équivaut au mariage. Bref : pas de pulsion.
La mère a des sentiments mitigés quant à cette relation car longue distance, dit-elle devant son fils. Elle dit que ça ne présage de rien de bon. Il répond qu’ils se sont vus quelques fois des fois et explique que cela leur permet de se connaitre, qu’il n’y a pas de fossé entre eux lors de leurs longues conversations, et que c’est la conversation la plus « saine » qu’il ait eue avec une femme – ce qui sous-entend l’absence de sexe.
La mère en doute et parle des signes non verbaux qu’ils n’ont pas, ne leur permettant pas de voir ce qui pourrait les insupporter – il y a l), par contre un parfum de sexe. Christian répond que ça a été les questions mêmes qu’il s’est posées.
Elle est contente qu’il se pose ces questions d’adulte aussi et lui est content des progrès en thérapie depuis deux ans, confirmés par cette congruence qu’il semble découvrir avec sa mère.
Papa était musicien professionnel, toujours sur la route; parfois le WE à la maison, mais pas plus d’une fois par mois. Alcoolique et cocaïnomane, de mauvaise humeur. Plan de coupe avec le père. « Abus affectif » profond, commente son fils : « Avec cette abstraction de mon père j’ai eu une enfance horrible. » Mais c’est mieux depuis la naissance de mon fils, dit-il devant son père : « J’évitais mes parents comme la peste : ma mère était triste à mourir et avait peur de tout et mon père était orageux, variable, imprévisible. »
« Le père : nous avons développé un style parental incohérent
« Le fils : ah bon, c’était un style parental ?
« Le père : l’inconsistance, c’était le but
« Le fils, applaudissant le père : oh, bien, bravo, bien joué !
« Le Père interrogé par la réalisatrice sur son fils petit : notre fils était faible et craintif. « Affirme-toi mon garçon », lui disait-il ainsi tout le temps : « la vie te bottera le cul ! »
« La mère : j’ai eu honte de ne pas vous avoir protégé. »
De fait, le père de Christian le saisissait à la gorge et le projetait contre le mur. Et il disait qu’il blaguait.
« Le père : à l’époque je ne pensais qu’à une chose : le sexe, mon besoin de sexe. Du matin au soir. Constamment. N’importe quand, avec n’importe qui.
je fonctionnais en solo, ça semblait ne pas avoir de conséquences, ma femme assumait. Ca a duré 17 ans. »
« Le père à son fils : – nous t’aimons.
« Le fils : je sais, mais je dois perpétuellement chercher à retrouver de la confiance dans l’amour des gens ; ça ne changera jamais il faut que je vive avec ; mais je sais, depuis longtemps que tu m’aimes.
« Le père : je suis fier de mon fils
« Le fils : je suis fier de mon père, c’est quelqu’un de bien, il a fait du chemin, un bon père. On a passé du temps sur la route avec les musiciens.

Christian demanda à sa copine ce qu’elle pensait du fait de vivre ensemble. Elle lui confia ne pas être sûre de partager les sentiments qu’il avait pour elle.
Puis elle a rompu. Par téléphone ; encore.
Il a pris ça bien : « Je ne veux pas lui courir après. »

Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il ne parvient pas à être systémicien de son propre système. Qui peut l’être ?, certes. Mais quant à lui, sa prise dans le système de sa mère semble constituer l’obstacle insurmontable à toute prise de conscience de la cage contre les barreaux de laquelle il se cogne.

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Quatrième situation :
Elle vient depuis 5 ans observer un homme à qui elle n’a parlé qu’une fois, à la sortie de l’église. Il est marié. Elle ne veut pas le déranger et l’attend dans sa voiture. Elle l’observe et attend qu’il la regarde.
Elle l’a rencontré dans son cabinet où il exerce la profession de médecin. Il l’a examinée : son pied qu’il a palpé. Il l’a sauvée… enfin.. de sa douleur au pied. Elle est convaincue qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Elle n’a jamais ressenti ça auparavant.
Un jour il comprendra, elle en est sûre.

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Tracy n°2 :
Manager dans une banque. En couple avec Mickell, au chômage.
On la voit, ramassant des crottes de chien dans son jardin.
Obèse, elle s’est fait tatouer les mots Loyalty Ernest avec coeur percé d’une flèche : le ton est donné, du rapport rigide au semblant qui règle son existence.
Son couple, apprend-on, est « instable » depuis un an.
Elle a 3 enfants d’un premier lit.
Elle ne veut plus avoir d’enfants mais ce serait « injuste envers lui », dit-elle.
Elle est tout pour lui, il n’avait pas confiance en lui.
Nicole, la meilleure amie de Tracy : « tu t’emparres du premier clodo dans le besoin que tu rencontres. »
Elle répond : « tu me dis toujours ça »
Nicole : « – oui : tu perds ta vie, aux dépends de tes enfants. Toi, tu as besoin de t’occuper de toi.
Elle : « Je prends des gens imparfaits et je veux les rendre parfaits, je les transforme en projets. Au début il a travaillé, été à l’école, commencé à être productif ; puis il a cessé après notre séparation. J’étais addicte aux personnes que je rencontrais, au père de mes enfants, qui ne voulait pas de moi et auquel j’étais addicte ; je forçais les gens à m’aimer. »

Plus tard elle raconte qu’elle a rompu: elle s’occupait de lui, être sa mère, elle ne pouvait s’en empêcher; elle pense qu’elle croit aimer, qu’elle déteste être seule, depuis longtemps.
« Je le vire et puis il revient, depuis des mois. Les accros vont systématiquement vers les gens qui ne sont pas bons pour eux mais ne peuvent s’en empêcher. »

Elle fait repeindre sa chambre et dit qu’elle n’aura plus envie d’accueillir de petit copain. Puis : elle pense que ne pas rencontrer la famille d’un copain pourra lui éviter de devenir addict à lui.
Sa mère préférait sa soeur
Douleur
Sa mère lui donnait des surnoms en rapport avec son poids, déjà important dans l’enfance : « grosse vache »… « Elle nous criait dessus ; nous tous aussi on se criait dessus constamment ; et la mère demandait en même temps qu’on fasse attention aux voisins. L’apparence comptait plus que tout, et l’on n’avait pas de vie sociale. Elle était minable et méchante, toujours très méchante. Maintenant je suis pareil qu’elle. J’évite la compagnie comme ma mère interdisait qu’on invite des amies à la maison; à cause du désordre; je fais pareil maintenant. »

Elle le rappelle maintenant et propose qu’ils se voient : « je n’aime pas laisser les choses ouvertes, je pensais à lui ».
Elle rit : « c’est l’addiction, le besoin d’un homme, les sentiments… » ; même si, précise-t-elle, elle n’est pas addict à lui.
Elle parle de sa colère envers lui, pas seulement contre elle, dont elle pâtit car elle est la personne la plus proche de lui : « Je ne peux pas vivre sans lui. »

On les voit s’embrassant, dans le canapé, lisant la carte qu’il lui a envoyée pour son anniversaire, parlant d’amour – un tissu de banalités doucereuses -: « une des plus belles lettres jamais reçues d’un homme dit-elle. »

Elle est enceinte. Lui devant elle, ne réagissant pas à la nouvelle qu’elle lui annonce devant la caméra :
Lui, ne comprenant pas quand la réalisatrice l’interroge : « quoi de neuf ? », il répond : « pas grand chose. » Puis avouant qu’il n’avait pas compris le sens de la question. Puis qu’il est sans stress. Qu’est-ce qui les stresse ?
Lui : « les gens qui racontent des conneries.
Elle lui demande si elle est comprise dans ces « gens ». Lui : tout le monde.
Ils s’engueulent. Il la traite d’enculée. Elle lui dit qu’il peut partir. Il est d’accord mais dit qu’elle appellera sa mère pour savoir où il est. Il part.

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Jen : c’est une amie de Tracy n°2 : elle aussi, love addict. Obèse aussi. Elle est inquiète qu’elle parle encore avec lui. Elle explique qu’il est jaloux, la soupçonne de passer des SMS aux toilettes quand elle va faire pipi la nuit, qu’il exige qu’elle rentre du travail tout de suite.
Elle explique aussi que Tracy n°2 se justifie toujours. Elle compare l’amour à la drogue.
Quant à elle : « Je n’ai personne qui m’aime vraiment alors je vais chercher quelque chose qui y ressemble ou j’aime penser qu’on m’aime plus que ça en a l’air.
Elle parle d’elle-même, de comment elle se laisse faire sans désir par des hommes. Personne ne s’intéresse à elle, vraiment. À 12 ans, les parents s’étant séparés quand elle avait 9 ans, la mère s’est installée avec son beau-père. On ne voyait pas beaucoup le père : ça explique beaucoup. Elle réalise qu’elle n’y avait jamais pensé.

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Adélaïde :
Comédienne. A eu des expériences d’addiction à l’amour même si elle ne se considère pas addict. Très tôt, dès le début de leur rencontre, ils ont évoqué d‘avoir des enfants ; mais il n’en voulait pas. Quelques semaines après le sujet est revenu, il a redit qu’il n’en voulait pas; elle était folle de lui et elle a mis ça de côté.
C’est un schéma qui se répète pour elle : « J’abandonne quelque chose de très important pour moi; là, en pensant qu’il changerait d’avis. Mais non à la fin. »
D’où la rupture. En fait it il était parti subitement. « J’ai pété un plomb. Insomnie, pleurs incontrôlables, besoin d’être entourée, suicidaire, elle rêve de se faire écraser.
Flashs-backs de l’enfance : son père s’est suicidé. Flashs-backs de sa dernière conversation avec lui, s’acrcochant à sa jambe lorsque ses parents se sont séparés.
Puis : l’appelant tout le temps au tel. Le traquant, cognant à sa porte la nuit avant de se faire chassée, humiliée, par une voisine. Se réveillant la nuit pensant à lui.
« Je pensais que je ne pourrais pas vivre sans lui. » Par ailleurs socialement insérée correctement mais pensant : « Je vais mourir ».

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Quelques notes sur la forme du film :
Des pans de coupe comme rêvés joués par des enfants, alternativement un petit garçon et une petite fille, seuls, solitaires semble-t-il, sur un fond de musique mélancolique. À la fin, la petite fille solitaire rejoint le petit garçon solitaire au piano. Et une voix off qui parle de sa solitude d’enfant, de sa tour d’ivoire où, enfant, elle attendait le prince charmant. On voit défiler tous les personnages du documentaire.
La voix évoque qu’elle lâcha prise à un moment. La réalité lui est apparue, dit-elle, et elle a décidé de ne plus laisser le rêve lui voiler la réalité et de ne plus se permettre une telle solitude.
Incrustation de fin : « merci aux anonymous love addicts » d’avoir accepté de « partager » leur histoire.

On peut noter un effet psychothérapique pour l’une d’entre elles seulement : Jen : elle n’avait jamais fait la connection entre le départ de son père et le début de ses difficultés affectives. Elle pleure, en abréaction.

Vers la fin du film, on aperçoit Eliza entrant dans un groupe d’auto-support en se présentant : « Hi, I’m Eliza and I’m a love addict. » Le groupe lui répond : « Hi, Eliza. » On est étonné d’être placé, comme spectateur, témoin d’un groupe d’auto-support mais le plan s’arrête là. Est-ce par pudeur? On pense à la règle des groupes qui exclut par principe la publicité et impose la discrétion, mais on réalise au générique que les sujets du documentaires sont des membres de ces groupes remerciés pour leur partage – c’est ainsi qu’on nomme le témoignage dans ces communautés. Alors on réalise que le documentaire nous a fait participer à l’extension au spectateur, du groupe en 12 étapes. Peut-on dès lors échapper au sentiment que la réalisatrice adresse le message suivant au spectateur : « à ton tour, hypocrite spectateur, toi aussi tu es un addict comme les autres, toi aussi tu feras bien de te rapprocher de la communauté de tes semblables et abdiquer tout déni et toute résistance en plaçant ta vie dans le pouvoir de la puissance supérieure »?

On discutera la structure clinique des cas, le rapport à la sexuation, et l’on n’oubliera pas l’aphorisme de Lacan : « Seul l’amour permet à la jouissance de condescendre au désir » Lacan, Le Séminaire, Livre X, L’angoisse, p. 209.