TyA / Toxicomanie et Alcoolisme

Réseau du Champ freudien

Éditorial par Judith Miller, Présidente du Champ freudien

Un empirisme tendre

Nos collègues d’Amérique latine, avec un dynamisme incontestable, publient la revue du TyA en espagnol, et accueillent les travaux européens du TyA qu’ils traduisent fort soigneusement – ne l’oublions pas – grâce aux soins de Mauricio Tarrab et de Luis Salamone. Ce dynamisme semble contagieux, comme je le souhaitais, dans le TyA européen, dont j’invite les participants à lire le dernier numéro de Pharmakon, le n°13 (ce numéro sera à la librairie du Congrès de l’AMP).

À l’occasion de ce Congrès, le TyA, des deux côtés de l’Atlantique, se réunira au Palais des Congrès de Paris (dans une salle dont nous serons informés ultérieurement). Cette réunion sera consacrée, comme nous y invite l’AMP, à contribuer à la clinique du nouage, à ses inventions et ses conséquences à l’encontre du discours du maître, actuellement imbu d’un scientisme qui, à coups de potions et de statistiques, dont les chiffres relèvent tant d’un abrasement de la clinique que d’un contresens de ce discours du maître, qui confond science idéale et idéal de la science (voir Milner).

J’ose espérer que ces contributions permettront de dire en quoi le discours de l’analyste, en dégageant la singularité de chaque cas dans une véritable clinique du un par un, permet ce que Goethe nommait un empirisme tendre, qu’évoque Walter Benjamin dans Petite histoire de la photographie (éditions Allia, traduction Lionel Duvoy). « Goethe : “Il existe un empirisme tendre qui s’identifie de la manière la plus intime à l’objet et qui devient de la sorte une véritable théorie”. Par conséquent, il est tout à fait dans l’ordre des choses qu’un observateur comme Döblin ait justement pointé du doigt les aspects scientifiques de cette œuvre et qu’il remarque : “De même qu’il existe une anatomie comparée, éclairant notre compréhension de la nature et de l’histoire de nos organes, de même Sander nous propose-t-il la photographie comparée : une photographie dépassant le détail pour se placer dans une perspective scientifique” ».

Cet empirisme tendre, sans préjugé, ne périme aucunement les distinctions entre névrose et psychose, mais donne la place qui lui revient à la contingence de la façon dont le corps est marqué par le langage et conduit le parlêtre à l’idiotisme où chacun vient à délirer.

Nous examinerons si les cliniciens pourront rendre compte de cas d’addiction contemporaine, qui soient l’occasion d’actualiser la clinique des addictions.

Invitation par Éric Taillandier

Lors d’une réunion en marge du 2ème Congrès de l’EuroFédération de Psychanalyse à Bruxelles en juillet 2013, la question de l’addiction a commencé à être débattue au niveau du TyA-Europe. Nous savons que ce débat sur l’addiction a déjà été abordé dans le cadre de la préparation du 1er Colloque International du TyA à Buenos Aires en 2012. Le TyA dans son ensemble s’interroge donc sur la façon dont il peut prendre en considération le signifiant addiction et jusqu’à quel point. Nous avons pensé que le Congrès de l’AMP en avril prochain à Paris serait une bonne occasion pour continuer cette conversation car un très grand nombre de responsables du TyA au niveau international seront présents. Judith Miller est d’accord. Nous pourrions nous rencontrer le mardi 15 avril (seule date possible) en fin de journée ou en soirée pour y travailler à partir de contributions écrites à l’avance. Je veux bien les rassembler une à une pour le 31 mars, par exemple, et envoyer ensuite le tout à l’ensemble des participants avant la réunion (eric-taillandier@sfr.fr)

Zoom sur le TyA-Rennes

Le TyA à Rennes, c’est quoi ? par Julien Berthomier et Géraldine Somaggio

Le « désordre dans le réel », pointé récemment par Jacques-Alain Miller, implique la montée en flèche des addictions. D’une époque où cette clinique se profilait comme celle du futur, force est de constater que nous y sommes. C’est maintenant. L’addiction est devenue l’expression de notre temps. C’est donc avec toujours plus de nécessité que le TyA à Rennes, au sein du Champ freudien, orienté par l’enseignement de Jacques Lacan et celui de J.-A. Miller, prend sa place dans le paysage social. Il y a nécessité à dire ce que la psychanalyse lit des mouvements de la civilisation, comment elle y répond au cas par cas, au moment où l’évaluation et la gestion deviennent des impératifs pour contenir ce droit à la jouissance qui s’est répandu comme une traînée de poudre.

Le TyA de Rennes existe depuis 2005. A l’initiative de quelques professionnels, pas sans lien avec les collègues du TyA de Bruxelles, il s’est progressivement étoffé par des demandes de collègues sensibles à la psychanalyse d’orientation lacanienne souhaitant s’engager davantage dans les activités du TyA. Suite à cet élargissement, un groupe de recherche s’est constitué dans lequel s’élabore le travail clinique et théorique et à partir duquel s’organise la conversation annuelle sous la responsabilité de la commission d’organisation, composée de membres de l’ACF et de l’ECF. Cette journée publique, largement ouverte aux praticiens du champ médico-social, rencontre chaque fois un succès certain en réunissant habituellement environ 150 personnes.

Cette ouverture sur la cité, prend racine d’un désir décidé de prendre place dans le champ social en se démarquant de pratiques autoritaires, de se décaler d’un discours dominant qui tend toujours plus à rogner les singularités au profit de l’homogénéisation des pratiques. Il s’agit d’un acte politique qui passe par un désir de transmission de la psychanalyse et qui est également présent dans la manière dont le groupe travaille chaque mois, notamment dans l’invitation qui est faite à de jeunes collègues d’exposer leur travail et de le soutenir, mais aussi en rencontrant les instances politiques et institutionnelles préoccupées elles aussi par ces questions.

Cette année à Rennes, le TyA travaille sur la question du corps et de ses toxiques et prépare sa prochaine et 9ème Conversation. Support de l’être, comment le corps réussit-il aujourd’hui à se nouer au dire lorsque la garantie de l’ordre symbolique lui-même part en morceaux ? Le corps donc abandonné à lui-même, livré aussi aux discours scientifique et capitaliste. Après l’ère de l’Œdipe, c’est bien d’une clinique du sinthome et donc du réel dont l’addiction est le témoin.

La commission d’organisation est composée de Julien Berthomier, David Briard, France Guillou, Jean Luc Monnier, Danièle Olive, Géraldine Somaggio et Eric Taillandier. A cette date, le groupe recherche est composé en plus de : Dominique Beyot, Solène Caron, Françoise Hervé, Claire Le Poitevin, Barbara Nano, Elisabeth Noël, Elise Pérès et Cécile Rivoallan.

Le corps et ses toxiques aujourd’hui : quels enjeux ?

9ème Conversation du TyA-Rennes / vendredi 25 avril 2014

Est-il réellement possible de penser le corps sans ses toxiques ? Depuis toujours, les deux semblent indissociables. Freud voyait déjà l’usage de stupéfiants comme remède indispensable au malaise dans la civilisation, pointant l’impossibilité d’un rapport harmonieux du sujet avec son corps (1). La frontière entre remède et toxique révèle actuellement sa porosité sous l’influence réciproque de la science et du capitalisme. La médecine et la pharmacologie en attestent : si de nos jours le cannabis peut être délivré sur prescription, le médicament, lui, insuline ou morphine par exemple, fait souvent l’objet de ce qu’il est courant d’appeler un « mésusage ».

La clinique des addictions est à ce titre paradigmatique d’un bouleversement dans l’ordre symbolique où dorénavant le droit à la jouissance a largement pris le pas sur les idéaux déclinants. L’époque est aux salles de consommation à moindre risque, aux cannabis social club, aux coffee shop, aux apéros Facebook, au binge drinking, etc. Tous ces remaniements ne sont pas sans conséquences sur les corps contemporains à partir desquels les programmes de contrôle et autres appareillages font florès, notamment via les applications sur les tablettes et smartphones. À droite comme à gauche, chez les praticiens du champ médico-social et chez le législateur, la question inquiète et divise. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a récemment suspendu l’ouverture de la première salle dite « de shoot », exigeant du gouvernement un cadre juridique sécurisé pour ce projet. La division s’immisce d’ailleurs dans le terme lui-même, séparant les partisans en deux camps. La voracité de la pulsion et l’angoisse qui l’accompagne nécessairement se dévoilent alors. En choisissant d’administrer les jouissances illicites plutôt que de les interdire, ne risque-t-on pas d’abolir les limites ? Doit-on légaliser, dépénaliser, continuer d’interdire ? « Tout le monde voit que la légalisation sans frein donnerait un aussi grand ″pousse-à-la-mort″ que l’interdit. Ce sont les deux faces du surmoi. C’est aussi bien le jouir sans entrave que le zéro-tolérance qui produit les deux faces d’un même appel à la mort » (2).

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le corps est toujours en perspective dans la psychanalyse. Aujourd’hui peut-être encore plus qu’hier, au moment où les corps « sont plutôt laissés à eux mêmes » (3). Dans les institutions, nos rencontres avec les sujets dits toxicomanes ou alcooliques en témoignent. Errance, isolement, accidents, passages à l’acte, etc. sont autant de manifestations de corps à la dérive, voire à l’abandon, qui peinent à se loger dans le lien social par un discours. L’être humain, le parlêtre, comme l’a nommé Lacan, a toujours légiféré sur ces questions de société pour lesquelles, précise Eric Laurent, « il n’y a pas de réponses claires possibles » (4). Dès lors il s’agit d’interroger les nouveaux rapports du sujet à son désir qu’impliquent l’ère du droit à la jouissance, et de penser à nouveaux frais les dispositifs de demain.

Pour sa IXème conversation publique, le TyA de Rennes se propose, à partir de ces questions actuelles, d’éclairer la façon dont la psychanalyse se préoccupe du corps aujourd’hui. Elle s’y intéresse parce que le corps résiste à la politique de gestion de la jouissance. Si le corps est silencieux, il porte néanmoins la marque de cette rencontre décisive, toujours singulière et contingente, avec la langue. C’est avec lui que l’on parle. Les situations cliniques présentées par nos collègues, et la conversation que nous aurons avec Laure Naveau, psychanalyste membre de l’Ecole de la cause freudienne, mettront l’accent sur cet enjeu: comment « parler avec son corps » (5) aujourd’hui ?

 

(1) S. Freud, Le malaise dans la culture, PUF, 1995, p.17.

(2) E. Laurent, Le traitement des choix forcés de la pulsion, Lacan Quotidien n°204.

(3) E. Laurent, Parler avec son symptôme, parler avec son corps, Quarto n°105, p.24.

(4) E. Laurent, Le traitement des choix forcés de la pulsion, op.cit.

(5) J.-A. Miller, Parler avec son corps, revue Mental n°27/28, p.127-133.

 

Naissance du TyA-Genève par Nelson Feldman

1ère Conversation du TyA à Genève

Samedi 12 avril 2014 de 14h à 18h

Une conférence de Fabián Naparstek suivie d’une Conversation clinique permettra de réunir des collègues de l’ASREEP-NLS avec ceux du TyA-Europe et Amérique. Fabián Naparstek est un analyste membre de l’EOL et un des fondateurs du TyA à Buenos Aires. Sa conférence aura pour thème : « L’essaim actuel de drogues et les métastases de jouissance ». Il est responsable du groupe TyA de l’EOL, anime un enseignement sur toxicomanie et l’alcoolisme à l’Université de Buenos Aires et a fait un doctorat sur le sujet à Paris VIII.

La journée sera ensuite structurée à partir des cas cliniques présentés par des membres de l’ASREEP-NLS et collègues travaillant en institution auprès de sujets ayant une problématique d’addiction. Il y aura des présentations cliniques de Thomas Rathelot et de Nteli Aikaterini à partir de leur travail en milieu institutionnel. Nelson Feldman abordera l’actualité de la clinique des addictions et la façon de traiter avec cette jouissance dans le contexte suisse.

Le fil rouge de cette première Conversation à Genève sera la construction du cas par cas et la discussion avec les participants. Ce sera l’occasion d’une réflexion sur la place de la psychanalyse et la clinique lacanienne dans les addictions dans un esprit d’ouverture à la Cité. Une place sera réservée à la question des salles de consommation, bien implantées en Suisse, et le débat sur ce sujet dans les pays européens.

Nous aurons des invités de Belgique et de France : Jean-Marc Josson du TyA-Bruxelles et Eric Taillandier du TyA-Rennes participeront à la Conversation clinique et nous parleront de l’incidence de l’orientation lacanienne dans leur pratique clinique, de la dynamique du groupe TyA en Europe.

Merci de réserver cette date qui précédera de quelques jours le Congrès de l’AMP à Paris. La participation est libre et gratuite. Un certificat pour la formation continue sera donné sur place. Il suffit de nous confirmer votre présence pour des raisons d’organisation.

La journée se déroulera dans la salle de réunion du service d’Addictologie des HUG, rue du Grand Pré 70 C, 1202 Genève. Accès : bus n°8 depuis la Gare Cornavin ; arrêt Canonnière (5 mn) ; bus n°3 ; arrêt Grand Pré.

Coordination de la journée et autres informations : nelson.feldman@bluewin.ch

 

Le TyA-Paris, c’est parti !

La clinique ou l’addiction par Pierre Sidon et le groupe TyA-Grand Paris

1ère Conversation mensuelle / lundi 03 mars 2014 à 20h30

L’addiction : concept à la mode. Tout comme la clinique quantitative qui l’accompagne. Or si nous sommes peut-être tous addicts, c’est que nous sommes tous embarrassés de la jouissance. Dans ce domaine, la comptabilité ne peut servir qu’à indiquer et évaluer des rééducations autoritaires et normatives. Elle n’est d’aucune aide pour comprendre le malaise et les impasses, individuelles et sociétales, de la consommation. Il s’agira bien plutôt de saisir, au cas par cas, les variations cliniques qu’introduit la consommation dans les rapports singuliers du parasite langagier avec le corps.

Réseau international du TyA (Toxicomania y Alcoholismo) du Champ freudien.

En association avec l’Envers de Paris et l’Association Cause freudienne Ile de France

Sous les auspices de l’UDSM (Union pour la Défense de la Santé Mentale)

Renseignements et inscriptions par mail : tya@enversdeparis.org

Présentation  :

L’objet est désormais au zénith de la civilisation comme l’avait annoncé Lacan dans Télévision (1973). Difficile donc de ne pas être consommateur. Mais sommes-nous tous pour autant des « addicts » ? Si cela est à discuter, il est évident par contre que nous ne dirions pas que nous sommes tous toxicomanes. Les mots de la clinique passent et s’agit-il seulement de modes ? Le Réel et les mots s’étreignent dans une impossible correspondance, peut-être comme la femme et l’homme qui ne peuvent que s’aimer. Mais la dérive sémantique peut aussi indexer une intention politique : la forêt du « tous addicts » ne risque-t-elle pas de dissimuler l’arbre de la toxicomanie comme celle de la dépression a éclipsé la mélancolie : Où est Charlie ?!…

Plus généralement, les anciens mots de la clinique sont sur la sellette, et la clinique elle-même en voie de désintégration. S’agit-il de la prolifération de nouvelles catégories qui courent après le Réel comme en témoigne le DSM ou la notion même de diagnostic est-elle remise en cause ? Disparues en tout cas les allées à la française – à l’allemande aussi, nous cheminons désormais dans un épais brouillard de diagnostics mouvants. En réalité, les diagnostics sont comme les identités aujourd’hui : ils échouent à produire une totalité unifiante. On peut y voir le reflet du relativisme des normes – qui sont du Symbolique, du « dynamisme pharmaceutique » (Lacan) – qui touche au Réel, et des identifications au semblable – qui sont de l’Imaginaire.

Or à l’ère de la science le souci du corps, de ce qui l’affecte et le traverse – la jouissance – se greffe sur le plus-de-jouir contemporain par excellence : le nouveau. Il s’agit dès lors d’une poursuite hédoniste appareillée qui inventera des jouissances toujours inédites. Et voilà peut-être ce qui bouleverse non seulement les identités mais aussi, en profondeur, le lien social. Car le corps social, à l’instar des corps individuels découpés par une géographie érogène toujours réinventée (jouir de la sérotonine…) semble, du coup, lui-même morcelé par le déferlement de l’individualisme et de l’incommunicabilité des jouissances. Que peuvent les idéaux élimés face à la jouissance qui a tout de l’autisme ? L’individu contemporain est un individu morcelé, éparpillé qui dérive entre des groupes aux identifications faibles fondées sur l’objet de consommation. Et c’est ainsi que si nous sommes tous addicts, nous sommes tous aussi, de plus en plus, des Anonymes.

S’il faut renoncer aux diagnostics classiques et accepter les étiquettes nouvelles issues des communautés de jouissance, l’addiction est un sérieux postulant au podium des auto-diagnostics les plus prisés. Elle voisine les troubles bipolaires, la dépression et les états limites. Nous constatons que l’usage de ce nom, « addict », s’étend aujourd’hui sur le mode fonction-variable : « addict à (x) ». De fait, ce diagnostic séduit chaque jour un peu plus au point d’infiltrer le discours courant et il nous semble même apercevoir qu’il pourrait peut-être, un jour, surclasser tous les autres diagnostics. De l’extension du domaine de la toxicomanie aux addictions jusqu’aux addictions « sans substance » (sexe, jeu, internet, amour…), parlerons-nous demain le langage de l’addiction pour tous les symptômes ? Faisons un peu de diagnostic-fiction : l’addiction à l’activité psychique et motrice pour l’hyperactivité, l’addiction à la vérité pour la paranoïa, l’addiction aux émotions pour la bipolarité… Et bien sûr l’addiction au « rien » : soit ce que mange l’anorexique selon Lacan. Il nous semble néanmoins nécessaire de continuer d’interroger en quoi la clinique d’un addict au jeu ou au sexe diffèrerait de celle d’un toxicomane à l’époque classique.

Et quid du traitement contemporain de ces troubles ? Car dans ce contexte de passion de la consommation, « notre avenir de marchés communs [trouve] sa balance d’une extension de plus en plus dure des procès de ségrégation », comme le prophétisait Lacan dès 1967. Grande est alors la tentation nostalgique d’un retour caricatural au Père avec ses méthodes d’éducation et de rééducation plus ou moins autoritaires et uniformisantes. Mais y aurait-il authentique autorité sans l’amour qui surmonte la différence et l’altérité ? Faut-il donc continuer d’interdire ou autoriser – à chacun sa jouissance ? Faut-il vouloir détourner le flot impétueux, le barrer, le rééduquer, le tempérer ? S’identifier, comme Anonyme, dans un groupe, à sa jouissance pour la récuser, peut fournir une solution identificatoire pacifiante. Mais elle est modeste et peut trouver ses limites dans ce qui constitue sa solution même : la dissolution de la singularité dans l’universalisation. Nombreux sont les cas en effet où la jouissance non articulée à un fantasme résiste à sa négation hygiéniste. Si nous faisons volontiers notre la formule : « tous addicts », c’est pour la compléter d’un : « …car tous embarrassés de la jouissance ». Jouissance, soit ces phénomènes qui, au joint du corps et du savoir, excèdent, pour chacun, les bornes contenues du plaisir. Et c’est précisément l’étude de cette jouissance irréfragable qui constitue l’objet des cliniciens lorsque les solutions prêtes-à-porter s’avèrent insatisfaisantes.

Etudier les modalités contemporaines de la jouissance, celles notamment que la science met à disposition par la multiplication des prothèses. Se pencher sur les armes proposées contre cette jouissance – et parfois aussi fournies par la science. On distinguera déjà les solutions prêtes à porter, institutionnelles et politiques, et les solutions singulières, cliniques. Voilà le programme de nos Conversations.

Retrouvez le programme du groupe TyA-vecteur Addictions de l’Envers de Paris à l’adresse http://enversdeparis.org/addictions/

 

Écho du TyA-América par Luis Darío Salamone

Addictions : un voile sur le réel

Compte rendu de la première Conversation du TyA-América à Buenos Aires

Plusieurs activités ont eu lieu lors de la Semaine Lacanienne 2 à Buenos Aires, dans le cadre de la Rencontre Américaine. La 1ère Conversation du TyA-América sous le titre Addictions : un voile sur le réel s’est notamment tenue le 21 novembre 2013, devant une assemblée nombreuse.

En ouverture, nous avons lu une lettre de Judith Miller qui, de cette façon, nous a accompagné lors de cet évènement comme elle le fait depuis toujours. Ernesto Sinatra a ensuite travaillé la question de l’usage de substances toxiques dans une tribu urbaine, rendant compte des identifications liquides qui la caractérisent. Le numéro 13 de la revue Pharmakon a également été présenté par Elvira Diano et Jorge Castillo qui en étaient en charge, ainsi que le livre qui recueille les textes des interventions du 1er Colloque International du TyA intitulé Tous addicts ?

La Conversation était animée par Marcela Almanza (NEL), Marie Wilma Farias (EBP), Daria Galante (EOL), Fabian Naparstek (EOL) et Paul Sauce (EBP). De nombreux collègues venant de différents endroits d’Amérique étaient donc présents. Les particularités locales se sont ainsi frotttées les unes aux autres en termes de pratiques de consommation et de traitements possibles. Entre autres questions s’est posée celle de comprendre comment les substances toxiques permettent de voiler le réel qui frappe le sujet, soit à partir d’une expérience traumatique, douloureuse, ou à partir de l’émergence de questions autour de la sexualité. Si les drogues ont une fonction d’anesthésie pour le sujet de l’inconscient, en voilant le non-rapport sexuel, malgré ce rejet de l’inconscient, il est possible d’intervenir dans le cadre du dispositif analytique, en perturbant la défense, c’est-à-dire en ciblant le réel en jeu pour mobiliser différemment la jouissance du sujet. Il a été remarqué que, dans la direction actuelle des soins, sans le proposer ouvertement, on peut agir dans le sens de voiler le réel, par exemple en soutenant la perspective de la fureur de guérir à partir de laquelle beaucoup de traitements des addictions sont basés. A l’inverse, le désir de l’analyste offre une perspective unique puisqu’il échappe à cette exigence et permet au sujet d’interpeller sa relation avec la jouissance.

Romina Carbone, Guillermo Drikier, Cecilia Fava, Mirian País, Claudio Spivack et Jasmin Torregiani m’ont accompagné dans l’organisation de cette Conversation.

Traduction par Eric Taillandier